VERDICT SCIENTIFIQUE OU POUDRE AUX YEUX ?
LA FOIRE AUX ERREURS
Le metteur en scène de cette aventure nous dit sans sourciller que lorsque Louis XVII fut arraché à sa famille, il fut enfermé dans un cachot infect.
Cest faire vraiment bon marché du préceptorat du cordonnier Antoine Simon ! Celui-ci se vit confier un garçon, dit « le fils Capet », dès le 3 juillet 1793 au soir, moment où Louis XVII fut arraché à sa famille, jusquen janvier 1794. Cest le dernier instant dans cette histoire où lon peut parler à coup sûr de Louis XVII. On ne peut plus parler ensuite que de lenfant du Temple, quelle que soit lidentité que chacun préfère lui donner.
En réalité, c'est tout naturellement que, dès cet instant, lhypothèse de la sortie du roi du Temple, bien vivant et en bonne santé, s'est imposée. En effet, Lanalyse attentive des dépositions des 6 et 26 octobre 1793 et de la double confrontation du 7 octobre prouve que ce nest pas Louis XVII qui les a signées. Il nétait donc déjà plus au Temple sous Simon. Sous le préceptorat duquel, au lieu dêtre dans un cachot infect, lenfant du Temple na jamais joui dautant de liberté !
Cela bien sûr réduit à néant la prétention de suivre lévolution de la maladie de Louis XVII , lequel dailleurs était parfaitement sain.
Il est exact que la dépouille de lenfant du Temple a été jetée à la fosse commune lors de son enterrement le 10 juin 1795. Cétait alors la loi. Mais il en a été retiré très vite par le fossoyeur Bertrancourt qui la placé à part, là où a été retrouvé le squelette exhumé en 1846 et 1894, dont les médecins ont prouvé quil était bien celui de lenfant du Temple. Bertrancourt a donc bien dit la vérité.
Lenfant décédé au Temple le 8 juin 1795 était bien scrofuleux, ce qui est une forme de tuberculose à évolution lente (autre détail qui exclut quil ait pu sagir de Louis XVII). Mais on nous a affirmé en télévision quil était mort dune péritonite. La péritonite est une inflammation du péritoine, avec très souvent perforation de lintestin ou de lestomac.
Une telle affection ne serait pas passée inaperçue des quatre médecins éminents qui ont procédé à lautopsie du jeune défunt. Rappelons leurs noms et qualités : Dr Philippe Jean Pelletan, professeur danatomie à lÉcole de Médecine et chirurgien en chef du Grand Hospice de lHumanité (ex-Hôtel-Dieu), Dr Jean Baptiste Dumangin, médecin-chef de lHospice de lUnité, Dr Pierre Lassus, ancien chirurgien de Mesdames, filles de Louis XV, grand-tantes du jeune Louis XVII, professeur de médecine légale à lÉcole de Santé, Dr Nicolas Dieudonné Jeanroy, anciennement attaché à la Maison de Lorraine, professeur aux Écoles de Médecine de Paris.
Le rapport dautopsie ne comporte aucune indication se rapportant à une péritonite.
En revanche, le dit rapport dautopsie (rappelons quune autopsie est demandée avant tout pour déterminer les causes du décès) attribue la mort à « un vice scrofuleux existant depuis longtemps », ce qui exclut dune part la péritonite et dautre part toute identification du défunt à Louis XVII qui a toujours joui dune parfaite santé.
Curieuse coïncidence
Louis XVI et Marie-Antoinette ont eu deux fils : Louis Joseph François Xavier, le Premier Dauphin, né à Versailles le 22 octobre 1781, et Louis Charles, duc de Normandie, Louis XVII, né à Versailles le 27 mars 1785.
Louis Joseph, contaminé par une nourrice, est décédé de tuberculose à Meudon le 4 juin 1789. Son corps a été enseveli à Saint-Denis, mais conformément à la coutume son cur avait été séparé et déposé au Val de Grâce, ce qui lui permit déchapper aux outrages révolutionnaires. Lurne a été ensuite transférée elle aussi à Saint-Denis.
Mais on a constaté ces dernières années que le cur quelle était censée contenir avait disparu, sans que lon puisse déterminer à quel moment ni dans quelles circonstances.
Ne serait-ce pas ce cur subtilisé qui aurait servi aux analyses dADN ?
Voilà qui expliquerait ce que lon nous présente comme une parfaite concordance des ADN du cur denfant et de Marie-Antoinette
compte tenu de toutes les réticences qui se doivent dêtre émises sur ce dernier point. Il est en effet évident que Louis Joseph était bien le fils de Marie-Antoinette et que son ADN correspond à celui de la Reine
pour autant quon le connaisse vraiment.
Remarquons pour finir que le Dr Heidi Pfeiffer, de lInstitut de Médecine Légale de Munster sexprime pour sa part avec une grande prudence : «Report on the macroscopical investigations of the object donated to the royal crypt of the basilique Saint Denis (Paris) suspected to be the heart of a putative son of Louis XVI, king of France, and Marie-Antoinette», ce qui, en français, sexprime ainsi : « Rapport sur les recherches macroscopiques de lobjet donné à la crypte royale de la Basilique de Saint-Denis (Paris) que lon dit être le cur dun fils putatif de Louis XVI et de Marie-Antoinette ».
Voilà comment doit sexprimer la science dans un pareil cas.
Cette prudence rejoint celle des quatre médecins qui avaient été appelés au Temple « pour procéder ensemble à louverture du corps du fils de défunt Louis Capet» » le 9 juin 1795. Leur rapport dit : « le corps mort dun enfant qui nous a paru âgé denviron dix ans, que les commissaires nous ont dit être celui de défunt Louis Capet »
Cette rédaction est légale : les médecins nont pas a se prononcer sur lidentité du défunt. Celle-ci résulte uniquement des dires des commissaires, dont aucun navait connu auparavant Louis XVII.
Bien sûr, nombreux sont ceux qui se sont rués sur lâge denviron dix ans attribué au jeune défunt, déclarant que tel était bien son âge et concluant quil sagissait donc bien de Louis XVII. Ce « raisonnement» est stupide : convoqués pour autopsier « le fils de feu Louis Capet », dont toute la France savait quil était né en 1785, les médecins ne pouvaient pas lui attribuer un autre âge, sauf à jouer leur tête en avouant que le garçon quon leur présentait nétait pas le fils de Louis XVI. Cette mention de leur part nest donc pas probante.
Mais ces éminents spécialistes nont pas pu prendre réellement un adolescent dau moins quinze ans, ainsi que le prouvent les examens ostéologiques de 1846 et 1894, pour un enfant de dix ans.
Qui plus est, les examens ostéologiques ont fixé la taille de ladolescent à 1,63 m environ. Cela correspond aux dimensions du cercueil fourni qui, selon les déclarations du concierge du cimetière, Bureau, mesurait quatre pieds et demi (1,47 m), et selon lorganisateur des funérailles, Voisin, qui avait demandé un cercueil « pour une jeune fille », cinq pieds (1,65 m). Il sagit donc bien là dun cercueil pour un adolescent.
En revanche, Louis XVII était de petite taille. Pour ses huit ans, le 27 mars 1793, Marie-Antoinette lavait mesuré au Temple : trois pieds deux pouces, soit 1,03 m. Cette marque a été retrouvée lors de la démolition de la tour, ordonnée par Napoléon en 1810. La taille normale dun garçon de cet âge, à lépoque, comportait dix bons centimètres de plus.
Michel Jaboulay