LA FAUSSE “VÉRITÉ “

ou comment le matraquage médiatique tient lieu de vérité

Analyse critique du livre : Louis XVII, la vérité


On ne présente plus l’auteur M. Delorme, journaliste vedette de la Presse couronnée. Dans son livre modestement intitulé Louis XVII, la vérité (Éditions Pygmalion, Paris, 2000), il retrace ses efforts pour imposer sa thèse de soutien à l’Histoire officielle. A-t-il réussi ? A vous d’en juger.
Au rebours d’une certaine méthode qui construit sur le sable en parlant d’odyssée confuse et de fouille miraculeuse nous allons nous appuyer sur le roc de la certitude objective.


Remarque préalable
Toute étude sur l’affaire Louis XVII doit prendre en compte deux faits incontestables

  • Le 3 juillet 1793 à 23h00, l’enfant âgé de huit ans est arraché à sa famille : il est hors de doute qu’il s’agit bien de Louis XVII mais c’est la dernière fois qu’on pourra l’affirmer. En toute rigueur, il faudra parler ensuite de l’enfant du Temple, expression qui ne présume en rien de l’identité réelle de l’enfant.
  • Le squelette trouvé au cimetière Sainte Marguerite est celui de l’enfant mort au Temple le 8 juin 1795 et autopsié le lendemain. Les examens ostéologiques en 1894 par un groupe d’éminents médecins -que le docteur Petrie qualifie de fine fleur de la médecine parisienne à l’époque (J.H.Petrie, Lodewijk XVII-Naundorf, een mysterie ontrafeld, De Bataafsche Leeuw, Amsterdam, 1995, p. 91)- qui ont retrouvé les traces d’une part des atteintes scrofuleuses aux endroits indiqués par le rapport d’autopsie et d’autre part, les coups de scie du docteur Pelletan conformes à la description qu’il en a faite lui-même.
    C’est là une preuve scientifique sans appel de cette identité (Philippe A. Boiry, On tue encore Louis XVII, Presses de Valmy, Paris, 2000, chap. V à VII, pp. 54 à 84). Les commentaires de M. Fleury n’y ont rien changé (Maurice Étienne, Les dernières fouilles au cimetière Sainte-Marguerite, in La Presse et Louis XVII, Jacques Hamann, Tome X, 1998, p.171). D’ailleurs, le docteur Petrie en fait tant de cas qu’il ne les reprend même pas dans sa thèse.
    Continuer de prétendre donc que Louis XVII est mort au Temple et que sa dépouille a été jetée dans une fosse commune où on ne peut la retrouver consiste à nier une vérité scientifiquement démontrée.

    Il découle de ces deux constatations que tout chercheur qui prétendrait d’une part, que l’enfant du Temple après le 3 juillet 1793 est toujours Louis XVII doit en apporter la preuve et d’autre part son raisonnement, s’il admettait que Louis XVII est mort au Temple le 8 juin 1795 et y a été autopsié le lendemain, reposerait sur des bases scientifiquement fausses et serait sans valeur.

    Toute étude sur Louis XVII qui ne tient pas compte de ces deux conditions préalables est faussée au départ et ses conclusions nulles et non avenues.
    De plus, une remarque d’ordre général s’impose, à savoir, qu’il ne faut jamais prendre les témoignages de l’ére révolutionnaire au pied de la lettre. L’époque ne prêtait pas à la sincèrité : trop de gens mentaient par instinct de conservation. On ne peut donc les considérer qu’avec une pincette dans une main et une grosse loupe dans l’autre.

Pelletan : un faux témoin

Parlant de son geste lors de l’autopsie, Pelletan déclare :

  • page 30 : Je ne courais pas de grands risques (sa déposition de 1817) ;
  • page 48 : Je n’avais pas couru le moindre risque…. je ne craignais pas d’être fouillé en sortant (à la duchesse d’Angoulême) ;
  • page 103 : J’espérais bien qu’on ne s’aviserait pas de me fouiller en sortant de la maison…. Il me félicita de ma témérité (le 13 juin 1816, en parlant du docteur Lassus, décédé en 1807) ;
  • page 119 : Vous savez qu’il pouvait y aller de ma vie (mai 1817, dans une letttre au docteur Dumangin, toujours vivant à l’époque).
    Il ressort clairement de ces déclarations que Pelletan varie sans vergogne ses dires selon les circonstances et suivant ses interlocuteurs :

    Pelletan n’est pas un témoin crédible.

Mais il y a pire. Tout d’abord en ce qui concerne les visites de Pelletan à l’enfant du Temple, le médecin déclare :

  • page 124 : Dès la maladie de Desault, je fus nommé pour continuer les secours… (dans Préliminaire du Mémoire de 1814)
  • page 102 : J’ai été appelé pour donner les secours de l’art….pendant la maladie et après la mort de M.Desault….Il y avait douze à quatorze jours que je visitais l’enfant lorsqu’il succomba le 8 juin 1795 (dans son Exposé du 13 juin 1816)
    Pelletan ment effrontément. Le docteur Desault est décédé le 13 prairial an III (1er juin 1795). Il a été nommé par un arrêté du Comité de Sûreté Générale en date du 17 prairial an III (5 juin 1795). Beauchesne cite l’arrêté du Comité de Sûreté Générale en date du 17 prairial comme nommant Pelletan en charge de continuer les soins (Beauchesne, Louis XVII, Plon, Paris, 1872, Tome II, Livre XVIII, pp. 316 à 326)..
    En outre, Beauchesne (op. cit.) retrace les visites du docteur Desault en date des 10 prairial (29 mai) et 11 prairial (30 mai), durant lesquels ce médecin a agi et parlé tout à fait normalement. Ceci exclut totalement d’une part que Desault ait été malade avant son décès et d’autre part qu’un autre médecin, Pelletan ou autre, ait été appelé au Temple pour visiter l’enfant.
    Qui plus est, Beauchesne (op. cit.) cite la proposition du Comité des Secours au Comité de Sûreté Générale afin de pourvoir au remplacement de Desault, texte qui cite Pelletan mais ne fait aucune allusion à des soins qu’il aurait donnés à l’enfant.
    Ajoutons d’ailleurs que le docteur Pelletan, ne pouvant entrer au Temple par la fameuse porte des écuries pour aller donner des soins à l’enfant, devait bien se présenter à la porte principale de la prison. On ne la franchissait que muni d’une autorisation. Or il découle de ce qui précède que Pelletan n’a eu cette autorisation que le 17 prairial (5 juin).
    Il lui a donc été impossible de se rendre auprès de l’enfant avant cette date.

    Dans sa déposition de 1817, Pelletan ne craint pas de déclarer : Je visitais le roi trois fois par jour (page 30). En 1795, il n’appelait certainement pas l’enfant le roi !
    Là encore, il ment. Beauchesne a retracé les visites de Pelletan (op. cit.) : il s’est rendu auprès de l’enfant le 5 juin dans l’après-midi, et les 6, 7 et 8 juin, une fois par jour entre 8h00 et 9h00 le matin.

    La conclusion est claire : Pelletan ne dit pas la vérité, du moins pas toujours, et pas rien que la vérité.

    Pelletan est un faux témoin.

Le pieux larcin


Affirmation sans preuve


C’est Pelletan qui a prétendu s’être saisi du cœur de l’enfant autopsié le 9 juin 1795. C’est lui qui opéra, ainsi qu’il est précisé
en page 102 : Étant particulièrement chargé de l’opération de l’ouverture et de la dissection… (dans son Exposé de 1816). Il déclare :

  • page 102 : ...Je me hasardai à m’emparer du cœur de l’enfant… (dans son Mémoire de 1816) ;
  • page 30 : ….J’osai m’emparer du cœur…. (dans sa déposition de 1817).

    Mais Pelletan n’était pas seul dans la pièce où s’est pratiquée l’autopsie. Y assistaient aussi trois autres docteurs (Dumangin, Lassus, Jeanroy), le commissaire Damont, le gardien Lasne, et peut-être encore d’autres personnes (Les commissaires Darlot, Bigot et Bouquet sont aussi mentionnés par Beauchesne (Louis XVII, Plon, Paris, 1872, Tome II, p. 328).. Ces témoins corroborent-ils les dires de Pelletan ?
  • Docteur Jeanroy : nous n’avons connaissance d’aucune déclaration du docteur Jeanroy à ce sujet. M. Delorme dit à son sujet qu’il disparut sans doute avant l’Empire (page 36).
  • Le gardien Lasne : c’est sans doute lui que Pelletan dénomme le concierge dans sa déposition de 1817 (page 30). Interrogé par Beauchesne, Lasne sera formel : il a toujours refusé de croire à l’authenticité du cœur de Pelletan. Beauchesne précise : (Il) avait assisté à l’autopsie, et (….) n’avait pas, disait-il, quitté un seul instant l’opérateur (page 30). Il faut cependant préciser à notre tour que Lasne est lui-même un faux témoin : Me Jules Favre en apportera les preuves irréfutables, tirées des propres paroles du personnage, dans sa plaidoirie (Louis XVII, plaidoirie de Maître Jules Favre, Librairie Internationale, Paris, 1891, pp. 191 à 208).
  • Docteur Lassus. En page 36, Pelletan dit : J’osai soustraire le cœur et je n’en fis part qu’à M.Lassus… (dans son Mémoire de 1816). Mais Lassus est décédé le 7 mars 1807, à Paris (Cercle d’Études Historiques sur la Question de Louis XVII, Cahiers Louis XVII, N° 10 Spécial, janvier 1997, p. 34) et ne s’est jamais exprimé à ce sujet.
  • Docteur Dumangin. Dans une note datée de 1817, annexée à ses Preuves authentiques de la mort du jeune Louis XVII, l’historien A. Antoine de Saint-Gervais (page 39) écrit : M.Dumangin atteste qu’à la fin de l’opération il a vu M.Pelletan envelopper soigneusement quelque chose qu’il mit dans sa poche. Il n’a nullement songé à ce que ça pouvait être, et il présume que ce chirurgien a pu juger convenable de faire alors un mystère de ce pieux larcin, non seulement de peur de se compromettre, mais encore de compromettre celui qu’il en eût rendu confident. Aujourd’hui, quoique rien ne puisse prouver physiquement que ce soit réellement le cœur de Louis XVII que M.Pelletan ait en sa possession, qu’il ne peut en donner d’autre garantie que sa parole, M.Dumangin, se rappelant ce qui s’est passé lors de l’ouverture du corps, dit que dans son âme et conscience, il est moralement convaincu de la vérité du fait. Nous examinerons ci-après la qualité du témoignage de Dumangin, mais nous pouvons remarquer dès à présent qu’avec ses réticences il sonne comme un témoignage de complaisance.
    Cette impression se renforce dans la lettre que Dumangin écrit le 1er mai 1817 à Pelletan, dans laquelle il s’exprime ainsi sur cette affaire : ….dans l’instant où vous dites avoir soustrait une partie précieuse du jeune roi. Dans ce courrier, il n’y a plus la moindre complaisance : Dumangin nie avoir été témoin du geste et doute même de sa réalité.
    La différence réside dans le fait que la lettre avait un caractère privé alors que l’attestation de complaisance avait été prononcée devant un tiers.
    On peut observer que dans son attestation, Dumangin laisse entendre qu’il est possible que Pelletan ait soustrait quelque chose - dont il se garde bien de préciser la nature -, ce que l’on peut attribuer à un geste de piété envers la monarchie (geste d’autant plus douteux que Pelletan était un révolutionnaire affirmé), et donc excusable. En niant son geste devant un tiers, alors que l’on était sous la Restauration et qu’il était de notoriété publique que Pelletan voulait faire accepter ce cœur par la famille royale et qu’il n’y parvenait pas, il l’aurait tout simplement accusé de crime de lèse-majesté. Les deux médecins ne s’aimaient pas, mais pas au point que l’un envoie l’autre à l’échafaud.

    Notons en outre que Dumangin est lui aussi un menteur. Dans sa lettre à Pelletan en date du 1er mai 1817, il affirme : …. Des devoirs communs nous ont appelés constamment ensemble au Temple (page 117). Or, Dumangien a été nommé comme adjoint de Pelletan le 9 prairial (7 juin 1795), la veille de la mort de l’enfant, et ce matin-là les deux médecins allèrent ensemble au Temple ; ils convinrent d’y aller le 10 prairial (8 juin), Pelletan à 8h00 et Dumangin à 11h00. Dumangin fit donc en tout et pour tout deux visites au Temple, dont une seulement avec Pelletan : voici comment se réduisent les prétentions de Dumangin (Beauchesne, op. cit., pp. 320-321).
  • Le commissaire Damont. Dans sa déposition du 6 août 1817, Damont déclare : …Je priai M.Pelletan de me donner des cheveux… (page 37). Dans sa déposition du 16 août 1817, il est plus précis : … Il le pria de lui donner quelques-uns de ses cheveux ; ce qu’il fit, en prenant des précautions pour que son action ne fût pas remarquée de M. Dumangin … (page 38).
    Cette dernière déposition prouve d’ailleurs que le docteur Dumangin n’a rien vu et que son attestation était de pure complaisance.
    C’est, dit l’auteur, à la suite de ces dépositions que Damont est venu trouver Pelletan pour lui demander une authentification de ses reliques capillaires (page 38). Nous sommes alors en pleine histoire du cœur et l’auteur prend la démarche de Damont pour une reconnaissance au moins implicite des prétentions du docteur (page 38), alors que deux lignes plus loin il constate que ni Lasne, ni Damont n’ont vu Pelletan s’emparer du précieux viscère. Comment Damont pourrait-il donc donner une reconnaissance, même implicite, d’un geste de Pelletan dont il n’a pas été témoin ? Ce raisonnement tient du délire !
    En un mot comme en cent, la démarche de Damont n’a aucune signification en ce qui concerne le cœur.

    Aucun témoignage ne vient donc corroborer la prétention de Pelletan de s’être emparé du cœur de l’enfant. Pelletan étant, en soi, un faux témoin, il est hautement douteux que Pelletan ait pris le cœur.

Ceux qui ont vu le cœur

  • Le docteur Lassus : Pelletan dit dans son exposé de 1816 qu’il lui fit confidence de son larcin (page 103). Il ne précise pas s’il lui a montré l’organe en question.
  • Tillos : En page 42, Pelletan s’exprime ainsi à son sujet : Les grands orages de la révolution étant calmés, j’eus l’imprudence, un jour, de montrer ce cœur, en même temps que d’autres pièces que mon tiroir renfermait, à un M.Tillos, mon élève particulier…
  • Abbé Lafont d’Aussone : Dans une note datée du 15 juillet 1836, cet ecclésiastique déclare : … le docteur Pelletan, bien avant la chute de Bonaparte, m’avait montré le cœur de Louis XVII… (page 135).
  • Comtesse de Clermont-Tonnerre : En page 127, il est dit, d’après un écrit de Pelletan : Madame la comtesse de Clermont-Tonnerre… a vu ce cœur.
    De ces quatre personnages, seul Lassus aurait pu authentifier la relique, le cas échéant. Mais il est décédé en 1807, sans avoir rien dit. Quant aux trois autres, ils ne tirent leur connaissance que des propres paroles de Pelletan et ils étaient tous dans l’impossibilité absolue, avec la plus parfaite bonne foi, de vérifier ses dires.

Ces témoignages ne prouvent en rien que le cœur montré ait été celui de l’enfant autopsié.

La comédie Tillos

Le docteur Pelletan dit avoir proposé à la veuve de Tillos un reçu pour disculper la mémoire de son mari du vol du cœur (page 43). Mais cette restitution se déroulait en cercle privé, et la veuve Tillos ne lui demandait rien ! Le geste charitable de Pelletan vise en réalité un tout autre but : c’est la première fois que ce cœur apparaît par écrit et il est déclaré comme étant le cœur de Louis XVII.
Or sur quoi repose cette identification ? Une fois de plus sur la seule parole de Pelletan, lequel, nous l’avons démontré, est un faux témoin.
À la fin de ce reçu, Pelletan ajoute : Le procès-verbal de l’ouverture et autres pièces qui y sont relatives fourniront la preuve de ces faits. Ce sont là les paroles d’un escroc : il veut faire prendre les vessies pour des lanternes. Les pièces dont il parle prouvent seulement qu’il a participé à l’ouverture du corps. Mais cela, personne ne l’a jamais nié ! Par contre, elles n’apportent aucune preuve que Pelletan se soit emparé du cœur, ni que le garçon autopsié ait été Louis XVII.
Il est d’ailleurs remarquable que ce reçu soit daté du 23 avril 1814 (page 128). À ce sujet, nous prenons de nouveau Pelletan en flagrant délit de mensonge puisque dans sa Narration à Mgr de Quelen, datée de 1828 (page 135), il écrit : Madame la duchesse d’Angoulême devait paraître la première… Or ceci est faux. Voici la chronologie des événements : Le 6 avril 1814, le Sénat appelle Louis Stanislas Xavier de Bourbon sur le trône de France ( Pelletan a donc attendu plus de quinze jours encore pour écrire ce reçu !). Louis Stanislas ne quitta sa résidence d’Hartwell, en Grande-Bretagne, que le 20 et s’installa à Compiègne le 29 avril : la duchesse d’Angoulême ne l’avait pas quitté depuis Mitau en 1799 et elle entra à ses côtés à Paris le 3 mai 1814 (G.Bordonove, Louis XVIII, Pygmalyon, Paris, 1989, pp. 131 à 141). Le comte d’Artois, nommé Lieutenant Général du Royaume par son frère, était pour sa part arrivé à Paris dès le 12 avril (J.Orieux, Talleyrand, Flammarion, Paris, 1970, p. 582).

D’autre part, dans son Mémoire de 1816, Pelletan dit : Je n’osai pas réclamer le cœur (page 43). Cette affirmation du médecin est dénuée de toute crédibilité : Comment, ayant constaté le vol et sachant que seul son élève avait pu le commettre, n’est-il pas allé le trouver pour le lui réclamer entre quatre yeux ? Tillos aurait alors bien dû le lui restituer, sans avoir le temps de le détruire, ce qui réduit à néant l’argumentation de Pelletan. Là encore, Pelletan ment : il avait d’autres cœurs à sa disposition mais les Bourbons sont de retour depuis quelques jours. D’où son idée d’offrir à la veuve Tillos un reçu qui authentifie (sic) le cœur.


Odyssée rocambolesque d’un cœur


Le sac de l’Archevêché

Ce cœur ne sera jamais accepté par la famille royale. La fable selon laquelle c’est la révolution de 1830 qui l’empêcha de donner suite à l’offre de Pelletan n’est tout simplement pas crédible. Il y avait alors 16 ans que ce cœur lui était offert ! La vérité est donc que la famille royale n’a jamais ajouté foi aux prétentions de Pelletan.

Le viscère est donc déposé à l’Archevêché de Paris, sous la sauvegarde de Mgr de Quelen, le 23 mai 1828 (page 58). Las ! L’Archevêché est pillé par des émeutiers le 29 juillet 1830 et l’organe disparaît. Mais il est miraculeusement retrouvé par Pelletan fils, lui aussi médecin, quelques jours plus tard (page 66). Il le reconnaît : Il avait encore conservé son odeur d’esprit-de-vin. Cette dernière particularité n’a rien de vraiment caractéristique : toutes les pièces anatomiques à l’époque étaient préparées de la sorte et nous savons que Pelletan père, professeur d’anatomie (page 31), possédait ses propres collections de pièces anatomiques, et notamment dans son tiroir (page 42).
S’agit-il toujours du cœur de 1814 ? Nous n’en avons aucune preuve.

Un cœur qui bouge et se déforme tout seul

Le cœur remis à don Carlos, à Frohsdorf, fit de la part de ce dernier l’objet d’une décharge, accompagnée d’une note décrivant minutieusement l’urne, datée du 22 juin 1895.
Sur les photographies publiées à l’époque (Revue rétrospective, 1894), on voit très bien en effet l’organe très haut dans le vase, tout contre le couvercle. Les morceaux de cristal sont parfaitement visibles, reposant sur le fond du vase.

Sur les photos publiées en avril 2000 (Ph. Delorme, op. cit., p. 136), les morceaux de cristal ont disparu. Le cœur est situé beaucoup plus bas dans l’urne et l’on voit nettement un petit cylindre attenant au couvercle. L’organe est suspendu par un fil ténu. Qui plus est, la forme du cœur lui-même n’est plus la même : il est plus oblong qu’en 1894. Or, il est impossible qu’un organe devenu aussi dur que le bois se soit pareillement déformé sous l’effet de son poids.
Ces constatations résultent du travail minutieux effectué par Laure de La Chapelle, vice-présidente du Cercle d’Études Historiques sur la Question de Louis XVII.

Il est curieux de constater que M. Delorme s’abstient de reprendre dans son livre la photo de l’urne de 1894. Pourquoi ?

D’autre part, en page 90, l’auteur parle de la tâche délicate de disjoindre les deux hémisphères du vase de cristal, qui ont été hermétiquement scellés - sans doute vers 1975, époque du retour du reliquaire en France. Il en découle qu’entre 1895 (transport vers l’Italie du cœur caché derrière la cravate du convoyeur et 1975 soit pendant quatre-vingts ans, rien ne prouve que l’urne ait été scellée, ouvrant la porte à tous les abus. On croit faire un cauchemar ! Dans ces conditions, la conclusion surgit d’elle-même :
Aucune garantie ne subsiste que l’organe contenu dans l’urne soit le cœur qui y avait été replacé en 1830.

DES ÉTUDES FAITES SUR UN MATÉRIAU AUSSI DOUTEUX NE PEUVENT PAS PLUS SE QUALIFIER DE SCIENTIFIQUES QUE D’HISTORIQUES.

Un deuxième cœur à Frohsdorf

M.Delorme nous raconte en page 69 que les héritiers de Pelletan firent contacter M.Barrande, ancien précepteur du comte de Chambord, à qui ils font remettre une notice à ce sujet, en date du 5 juin 1883. Mais le comte décède le 24 août 1883, sans avoir pris de décision.
Le comte de Chambord n’a jamais reçu le cœur dit de Pelletan.

Laure de La Chapelle rappelle une lettre du Père Bole, confesseur du comte de Chambord, à son collègue le Père de Boylesve, en date du 17 octobre 1885. Ce prêtre écrit : Ce cœur, Monseigneur l’a reçu après avoir fait examiner toutes les pièces et documents qui en constatent l’authenticité.
M. Delorme prétend que le verbe recevoir peut avoir aussi le sens d’accepter, et que d’autre part le Père Bole a pu se tromper et penser que les tractations de 1883 avaient abouti, ce qui, nous venons de le voir, n’est pas le cas (Site Internet Forum de l’Histoire/Révolution française, en date du 20 mai 2001).
Le comte de Chambord n’aurait jamais conduit de telles négociations du vivant de la duchesse d’Angoulême sans son accord. On peut donc situer l’événement entre 1851 et 1883.
En français les mots ont un sens. Le dictionnaire Robert donne pour le verbe recevoir les définitions suivantes : I. (Sens passif). Se voir adresser (quelque chose). II. (Sens actif). Laisser entrer ou venir à soi, donner accès. Il s’agit là de personnes ou d’objets matériels. Le sens d’accepter ou d’agréer ne s’emploie qu’au niveau des idées ou, dans le judiciaire, pour une requête à un tribunal.
Le cas qui nous occupe concerne un cœur, donc un objet matériel. Le texte du Père Bole est donc sans ambiguïté : le comte de Chambord a bien reçu matériellement un cœur, présenté comme celui de Louis XVII, et qui n’est pas celui dit de Pelletan. Il est même vraisemblable que le prêtre, confesseur du prince, a lui-même vu ce cœur. Il n’a donc pas pu se tromper, d’autant que ses souvenirs sont encore frais deux ans seulement après la mort du prince.
Il y a eu un cœur, dit de Louis XVII, à Frohsdorf avant 1895.

Le cœur du Premier Dauphin
Louis Joseph François Xavier, le Premier Dauphin, est décédé à Meudon le 4 juin 1789. Son corps a été autopsié et, selon la coutume, son cœur a été mis à part pour être conservé.
Ce cœur a-t-il été embaumé ? M. Delorme l’affirme en page 174 : Les cœurs princiers, avant d’être déposés au Val-de-Grâce, subissaient un traitement de thanatopraxie. À l’appui de ses dires, il cite deux procès-verbaux d’embaumement, le premier pour le cœur de la Dauphine Marie-Anne-Victoire de Bavière, décédée en 1690, le second pour celui du comte de Provence, en date du 17 septembre 1824. Ces deux documents prouvent qu’à chaque embaumement, un procès-verbal de l’opération était dressé.
Or il n’existe pas de procès-verbal d’embaumement du cœur du Premier Dauphin.
Cette absence à elle seule ôte toute crédibilité à l’affirmation que cet organe aurait bien subi ce traitement. D’autant que le texte de 1690 est explicite : Le cœur, après avoir été vidé, lavé avec de l’esprit-de-vin et desséché... Ce début de traitement correspopnd exactement au processus que nous décrit Pelletan pour la conservation de son cœur en page 42. Rien donc n’interdit de penser que pour nombre de cœurs princiers les opérations se soient arrêtées là, et notamment pour celui du Premier Dauphin, en plein début de période révolutionnaire.
Il est intéressant de noter que, dans cette hypothèse, le cœur du Premier Dauphin présenterait les mêmes apparences que le cœur dit de Pelletan.

Le cœur du Premier Dauphin a bien été déposé au Val-de-Grâce, mais cet édifice a été pillé par la lie révolutionnaire en octobre 1793. Un avocat le recueillit alors et il était déposé en 1817 à la mairie du 5ème arrt (actuel). Depuis, la trace en a été perdue.

Supposer par conséquent que les analyses ont été pratiquées en réalité sur le cœur du Premier Dauphin est une hypothèse parfaitement plausible. Il faudrait pour l’écarter retrouver le cœur de Louis Joseph et pouvoir l’identifier de façon irrécusable.

Une curieuse histoire de cheveux

Dans sa relation des événements, Damont déclare (page 37) : C’est là, présent à l’opération, que je priai M.Pelletan de me donner des cheveux,… , ce qu’il m’accorda. Dans sa deuxième déposition, il précise (page 38) : qu’il reçut de M.Pelletan une touffe de cheveux qu’il a enveloppée dans un journal de ce temps-là. Après la restauration, Damont est venu trouver Pelletan afin d’obtenir de lui une authentification de ses reliques capillaires (page 38).
Or Damont a voulu offrir ces cheveux à la famille royale. Il raconte en détail sa démarche dans sa déposition du 16 août 1817 au ministère de la Police générale (R.Chantelauze, Louis XVII, Firmin-Didot, Paris, 1884, Appendice, pp. 462 à 466). Il fut donc convoqué chez le duc de Grammont, capitaine des gardes du corps de S.M.. Celui-ci à l’examen des cheveux, prétendit que ce n’était point les cheveux du Dauphin ; qu’ils étaient d’un blond plus clair ; qu’il avait eu l’occasion de le bien connaître, sa belle-mère ayant été gouvernante des enfants de France.
Chantelauze ajoute en note : le duc de Grammont aurait dû savoir, ce qui n’est ignoré de personne, que les cheveux blonds d’un enfant peuvent passer au brun le plus foncé, à mesure qu’il avance en âge, et que ce changement se produit très fréquemment.
Il est exact que beaucoup d’enfants naissent blonds et que leur chevelure devient châtain, voire châtain foncé, lorsqu’ils grandissent. Mais cela n’est pas le cas pour les vrais blonds, tels que l’étaient Madame Royale et Louis Charles, qui tenaient leur chevelure blond cendré de leur mère. Et cela, Chantelauze ne pouvait pas l’ignorer. Sa remarque n’a donc aucune valeur en ce qui concerne Louis XVII.
Il en résulte que les cheveux conservés par Damont depuis l’autopsie ne provenaient pas de la tête de Louis Charles et cet élément à lui seul est une preuve que l’enfant autopsié le 9 juin 1795 n’était pas Louis XVII.
Ce qui réduit à néant les arguments (sic) de M. Delorme.
En page 20 du Mémoire écrit par Marie Thérèse Charlotte de France (Plon, Paris, 1756), la princesse écrit : Il était extrêmement engraissé, mais pas très grandi. Il ne lui aurait pas échappé que les cheveux de Louis Charles avaient foncé.

Mais l’affaire des cheveux ne s’arrête pas là !
Sur le Mémoire de la main de Pelletan en date du 4 décembre 1818 (page 135), se trouve en dernière page une note écrite par l’abbé Lafont d’Aussone, historien de la Reine, en date du 15 juillet 1836. Cet ecclésiastique était le neveu de la marquise de Talaru auquel Pelletan avait confié son Mémoire pour le communiquer à la duchesse d’Angoulême. L’abbé écrit : Je déclare, en outre, que le docteur Pelletan, longtemps avant la chute de Bonaparte, m’avait montré le cœur de Louis XVII, et sa jolie chevelure blond cendré, toute bouclée.
D’où proviennent ces cheveux de Louis XVII ?
M. Delorme pose bien cette question (page 136), mais se révèle incapable d’y répondre autrement que par des hypothèses, contredites par les dires de Pelletan lui-même.
En page 116 en effet, nous lisons : Le sieur Damont… me pria de lui donner une poignée de cheveux ; ce que je fis…. à la condition de m’en rendre la moitié : je ne réclamai pas cette moitié, ayant le cœur en ma possession. Le sieur Damont est venu réclamer mon certificat pour… appuyer la vérité, en déposant entre les mains de S.A.R. Madame la poignée de cheveux que je lui avais donnée et que j’ai fort bien reconnue.
Cette déposition de Pelletan est très claire :
1) Pelletan n’a pas pris de cheveux lors de l’autopsie ;
2) Il n’a pas réclamé à Damont la moitié des cheveux de l’enfant autopsié que celui-ci était censé devoir lui rendre ;
3) La poignée de cheveux présentée par Damont au duc de Gramont est complète et Pelletan l’a reconnue.
Or, la poignée de cheveux présentée par Damont a été refusée parce qu’elle n’était pas de la teinte de cheveux blond cendré du Dauphin.
La conclusion est claire : Pelletan est un traficant de pseudo-reliques royales.

En page 68, parlant du fils Pelletan, M. Delorme écrit : Quelle récompense chimérique peut donc espérer le détenteur des pauvres restes de Louis XVII ? Cette fausse naïveté ne peut tromper personne. Du temps même de la révolution, les reliques de la famille royale ou les objets divers provenant du pillage des châteaux royaux se monnayaient à prix d’or à Paris. Leur cote n’a pas baissé depuis, ainsi qu’en témoignent les sommets atteints lors d’enchères publiques. Ce n’est sans doute pas une récompense honorifique, mais elle est sonnante et trébuchante !

La prétendue maladie de Louis XVII

En page 12, l’auteur écrit : À Versailles, puis aux Tuileries, Louis Charles rayonnait de vitalité. C’est exact, mais cette vitalité n’a pas pris fin le 10 août 1792. Au Temple encore, il était parfaitement sain et vif : durant le préceptorat de Simon (et en supposant que l’enfant confié à Simon était bien encore Louis XVII), il courait en tous sens, riant, chantant, jouant au vu et au su de tous. Le 19 janvier 1794 ; les commisaires de la Commune de service au Temple, dont Lorinet, officier de santé, délivrèrent au couple Simon une décharge où l’enfant était déclaré en bonne santé.
On ne peut donc parler d’une éventuelle maladie de Louis XVII qu’après le 19 janvier 1794. Et là encore faudrait-il prouver au préalable qu’il s’agissait bien encore de Louis XVII !
Ce qui nous laisse un délai maximum de seize mois pour l’apparition et le dénouement fatal de la maladie en question.
Or le procès verbal d’autopsie (Beauchesne, op. cit., Livre XVIII, page 330, note 1) termine par cette conclusion : Tous les désordres dont nous venons de donner les détails sont évidemment l’effet d’un vice scrofuleux existant depuis longtemps, et auquel on doit attribuer la mort de l’enfant. La scrofule, forme de tuberculose, est une maladie à évolution lente. Un délai de seize mois est absolument incompatible avec la conclusion des médecins.
Cette constation est encore une preuve que l’enfant autopsié le 9 juin 1795 n’était pas Louis XVII. Il est donc parfaitement abusif de parler de la maladie de Louis XVII.

En page 12, l’auteur écrit : Le 9 mai (1793), le docteur Thierry prescrit aussitôt un traitement antiscrofuleux. L’historien Beauchesne nous donne pour les mois de mai, juin et juillet 1793 les ordonnances du docteur Thierry pour le fils de Marie-Antoinette (Beauchesne, op. cit., Documents et pièces justificatives, VII, pp. 492 à 495)  : on y relève force petit lait clarifié, du miel de Narbonne, une médecine composée de follicules mannes choisis, coriandre, et sel de Glauber, des baies de genièvre, un bouillon avec cuisses et reins de grenouille, avec addition de sucs de plantes, et terre foliée minérale , un lavement «avec carraline de Corse, suc de citron et huile d’olive, et du sirop vermifuge.
Tout ceci n’a rien à voir avec la scrofule, mais relève exclusivement de la diététique.

Un de mes ancêtres, l’abbé François Rozier, né en 1734, (nous descendons en ligne maternelle directe de son frère aîné, Jacques Mathieu Rozier) fut un agronome très connu et estimé au XVIII° siècle : on l’appelait le Columelle français. Il contribua avec Bourgelat à la création de l’École vétérinaire de Lyon, dont il fut un temps directeur ; il créa le jardin botanique aujourd’hui englobé dans le Parc de la Tête d’Or, où se trouve son buste ; il créa aussi l’École d’Horticulture d’Ecully, dans la banlieue Ouest de Lyon, qui existe et fonctionne toujours. Il fut membre, ou associé, ou correspondant d’un grand nombre d’académies en France et à l’étranger. Devenu curé de Saint-Polycarpe, sur les flancs de la Croix-Rousse, à Lyon, il mourut dans son sommeil, tué en 1793, pendant le siège, par un boulet qui tomba sur son lit.
Entre autres œuvres, il a laissé un Cours complet d’agriculture, qui avait de nombreux souscripteurs. Il s’agit d’une compilation sur nombre de sujets non seulement agricoles, mais aussi scientifiques, et notamment médicaux.
Dans le Tome IV, édité en 1786, en page 137, il traite de la scrofule et des écrouelles. Il dit notamment :  Je dirai que le lait, dont on abuse dans certains pays froids et humides, surtout s’il est grossier, contribue beaucoup au développement de cette maladie. Citant des médecins qui ont été ses correspondants, il conseille comme remèdes : l’onguent de tabac, l’emplâtre de savon camphré, le cataplasme à la mie de pain, avec de la racine de bryone, , les feuilles de ciguë, les frictions mercurielles, l’usage des eaux de Barèges, les gommes résolutives, la scille, la rue, l’alcali fixe végétal, et comme remontant le quinquina tonique.
Il est clair que les prescriptions du docteur Thierry ne concernent en rien la scrofule.
Dans le Tome III, édité en 1783, il traite de la constipation. Il constate que cette affection peut occasionner de violents maux de tête, et même des coups de sang. Il préconise pour cette affection les lavements émollients, avec les décoctions de son, de graine de lin, de poirée, de pariétaire et de miel. Il y ajoute le petit lait, l’eau de poirée, de laitue, l’eau de veau légère, et la dissolution de 2 ou 3 onces de manne, avec un gros de crème de tartre, dans une pinte des boissons susdites.
Le docteur Thierry, de mai à juillet 1793, a tout simplement soigné un jeune garçon sujet à la constipation.
Il n’y a pas eu de maladie de Louis XVII. Cette affirmation erronée sort tout droit du livre du docteur Petrie (J.H.Petrie, op. cit., chap.6, pp. 59 à 69).

Erreurs dans le procès-verbal d’autopsie

Le procès-verbal d’autopsie dit : ... un enfant qui nous a paru âgé d’environ dix ans, que les commissaires nous ont dit être celui du fils de défunt Louis Capet… (Beauchesne, op. cit.). Cette procédure est tout simplement légale : le médecin légiste n’a pas à se prononcer sur l’identité du cadavre qu’il autopsie. Il reprend simplement ce qui lui a été dit. Cette déclaration ne prouve donc strictement rien quant à l’identité du cadavre.
Par ailleurs, nombre d’historiens se sont accrochés à l’âge d’environ dix ans attribué par les médecins à l’enfant. C’est ne pas tenir compte des faits. Tout un chacun en France savait que le petit duc de Normandie était né en 1785. Lui donner un autre âge après l’avoir désigné comme le fils de défunt Louis Capet, c’était signer la supercherie et, par conséquent, prendre un billet direct pour l’échafaud. Et ceci d’autant plus que les médecins avaient tout lieu de penser que personne ne serait jamais en mesure de vérifier leurs dires. Ce qui, malheureusement pour eux, s’est produit et a révélé le mensonge. Faite dans ces conditions, l’indication de l’âge ne prouve rien.
Toute autopsie commence par un examen minutieux externe du cadavre. Les médecins ont réalisé cet examen avec soin. Notons d’ailleurs que parmi eux se trouvait le docteur Lassus, qui était professeur de médecine légale (Beauchesne, op. cit., p. 329). Ils ne notèrent aucun signe corporel significatif sur le cadavre de l’enfant. Or Louis Charles possédait des marques corporelles qui étaient de notoriété publique et que les médecins ne pouvaient pas ne pas chercher les marques d’inoculation aux deux bras (connues de tout le corps médical) et le nævus maternus à la face interne de la cuisse gauche (connu du docteur Jeanroy, et vraisemblablement du docteur Lassus). S’ils ne les ont pas notées, c’est qu’elles n’existaient pas sur le cadavre.
Nous avons là une preuve supplémentaire que l’enfant autopsié le 9 juin 1794 n’était pas Louis XVII.
Remarquons en outre que les docteurs, connaissant leur existence sur le vrai Louis Charles, auraient fort bien pu les imaginer : ayant relevé déjà des marques de putréfaction au ventre, au scrotum et au-dedans des cuisses (cette dernière indication prouve qu’ils ont regardé l’intérieur des cuisses, donc de la cuisse gauche), ils ne couraient aucun risque. Ces marques se trouvant dans les chairs et non dans les os auraient disparu en quelques jours. Ils ont eu l’honnêteté de ne pas le faire, alors que personne ne leur aurait reproché ce mensonge.
Le but d’une autopsie consiste certes essentiellement à définir les causes du décès, mais elle doit aussi enregistrer toutes les caractéristiques qui pourraient servir, le cas échéant, à vérifier l’identité  du défunt. Et il s’agissait quand même du fils de Louis XVI !

Un ADN de référence douteux

Lors des analyses d’ADN ayant porté sur l’os prétendu de Naundorf, le professeur Cassiman a déclaré avoir isolé l’ADN de Marie-Thérèse (il s’agit bien de celui de l’impératrice d’Autriche et non de celui de sa fille Marie-Antoinette). En réalité, d’après le rapport même du professeur Cassiman, de forts éléments de doute subsistaient dans les résultats des recherches sur cet ADN (Philippe A. Boiry, Louis XVII-Naundorf devant l’ADN, Presses ed Valmy, Paris, 1998, pp. 296 à 298).
Le Docteur Olivier Pascal, qui menait une recherche parallèle en France, a formulé par écrit ses doutes formels sur la validité de cet ADN (Philippe A. Boiry, On tue encore Louis XVII, Presses de Valmy, Paris, 2000, pp. 186-187)..


Résumé


En définitive, nous avons constaté :

  • l’absence de preuve que Pelletan ait pris le cœur de l’enfant autopsié le 9 juin 1795 ;
  • l’attestation matérielle tardive du cœur dit de Pelletan depuis le 23 avril 1814, après le retour des Bourbons ;
  • l’absence de preuve que le cœur de l’enfant du Temple déposé à Saint-Denis soit le cœur dit de Pelletan ;
  • que l’ADN analysé provient d’un cœur d’enfant d’origine inconnue ;
  • que cet ADN a été comparé à un ADN de référence de qualité scientifique douteuse.

Et on nous annonce à grand son de trompes médiatiques que c’est bien le cœur de Louis XVII et que celui-ci est donc bien mort au Temple le 8 juin 1795.
Cette annonce, qualifiée par ses auteurs d’historique et de scientifique n’a strictement aucune valeur. Elle ne prouve qu’une chose : malgré leurs rodomontades, ses auteurs sont incapables d’apporter la moindre preuve convaincante de leur prétention.

On peut remarquer pour terminer que même si ce cœur comportait un ADN semblable à celui de l’impératrice Marie-Thérèse, cela ne prouverait qu’une chose : c’est qu’il s’agit d’un Habsbourg. Pour conclure à l’identité de Louis XVII, encore faudrait-il apporter la preuve qu’il s’agit aussi d’un Bourbon !

Conclusion

Contrairement aux prétentions de l’auteur, cet ouvrage ne peut en aucun cas se qualifier d'historique, et encore beaucoup moins de scientifique.
Il est curieux de noter que la méthode suivie par M. Delorme est la copie conforme de celle adoptée depuis 1990 par le docteur J.H.Petrie, qui a lui aussi prétendu que son livre était un ouvrage historique et scientifique (J.H.Petrie, op. cit.) L’affirmation - erronée - de la mort de Louis XVII au Temple le 8 juin 1795, ainsi que les affabulations sur la prétendue maladie de Louis XVII, sont reprises directement du livre du docteur Petrie.
Ainsi M. Delorme déclare-t-il en page 79 que le docteur Petrie a réuni des preuves convaincantes selon lesquelles Louis XVII est bien mort au Temple. Le livre du docteur Petrie n’ayant été publié qu’en langue néerlandaise. Comment M. Delorme peut-il en juger ? Lit-il le néerlandais ? Moi qui ait fait l’effort d’apprendre cette langue et qui ait disséquer, phrase à phrase, l’ouvrage du docteur Petrie, je peux affirmer que, malgré certaines recherches, son ouvrage est un florilège d’a-priori, d’erreurs, de mensonges avérés, d’affirmations sans fondement, de choix arbitraires de faits et de témoignages, de fausses naîvetés, ce qui lui ôte toute crédibilité. Cest pourtant la thèse qui a valu à M.J.H. Petrie son titre de docteur et, en dépit de la sympathie que j’éprouve pour ce pays, il faut dire que les autorités académiques néerlandaises n’en sortent pas grandies !
C’est le docteur Petrie qui fut l’initiateur de l’analyse ADN de 1998 sur un os d’origine douteuse à comparer avec un ADN tout aussi incertain, avant de passer le relais en 2000 à M. Delorme pour l’analyse du cœur d’origine douteuse de Saint-Denis, objet de cette critique. La collusion entre les deux hommes est flagrante.
Quand on a raison, on n’a pas besoin de recourir à de tels procédés !

Michel Jaboulay

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