LA « JOURNÉE » DU 10 AOÛT 1792

Le complot visant à renverser la monarchie a échoué le 20 juin. Qu’à cela ne tienne ! Les révolutionnaires sont bien décidés à récidiver.! Ils préparent aussitôt le second acte qui se jouera très exactement cinquante-deux jours plus tard.

Les préparatifs

Indignation
Des voix se lèvent néanmoins pour protester contre les événements du 20 juin. Une pétition demandant des poursuites contre les émeutiers recueille 20.000 signatures. Le 22, Louis XVI lance une proclamation très ferme sur ces événements.
Pour sa part, La Fayette arrive à Paris le 27 et, le lendemain, il exige devant la Législative des sanctions contre les fauteurs de troubles, notamment les Jacobins. Il avait envisagé de prendre le pouvoir à la faveur d’une revue de la garde nationale le 29 juin, mais Pétion, maire de Paris, sans doute prévenu, annule la revue.
Une émeute contre-révolutionnaire éclate à Fouesnant le 9 juillet. Elle est réprimée le 10 par la garde nationale de Brest.
Le 4 août, la Cour obtient quand même l’installation au palais des Tuileries des Suisses cantonnés à Courbevoie et à Rueil. De nombreux gentilshommes se joindront à eux pour défendre le Roi.

La Législative pousse ses pions
L’Assemblée avait interdit dès le 21 juin toute réunion de citoyens armés dans son enceinte, mais vote le 1er juillet un décret rendant publiques les séances de tous les corps administratifs, ce qui les met à la merci des mouvements de foule.
Une séance de soi-disant réconciliation est organisée à l’Assemblée sur proposition de l’évêque constitutionnel de Rhône-&-Loire, Lamourette, et en présence du Roi : c’est la comédie du baiser Lamourette, qui ne trompe personne.
Durant ce temps, la Législative tourne le veto royal en convoquant à Paris les fédérés des départements. Ceux de Toulon arrivent le 11 juillet, ceux de Brest le 25 : un banquet civique leur est offert place de la Bastille. Ceux de Marseille arrivent le 30 juillet, en chantant le Chant de marche de l’armée du Rhin, qui sera de ce fait appelée la Marseillaise. Ces derniers, au cours du banquet qui leur est offert aux Champs-Élysées, se battent avec les gardes nationaux parisiens, favorables à La Fayette.
En revanche, l’Assemblée décrète le 15 juillet l’éloignement de Paris des troupes de ligne.

L’offensive antimonarchique
Aux Cordeliers, le 15 juillet, une motion demande la convocation d’une Convention, c’est-à-dire d’une assemblée constituante. Le même jour, aux Jacobins, Billaud-Varenne demande la déportation du Roi.
La commune d’Angers demande la déchéance de Louis XVI le 18 juillet.
L’autorité du Roi n’est plus reconnue par la section Mauconseil le 31 juillet. Le 3 août, une pétition de 47 des 48 sections demandant la déchéance du Roi est présentée à la Législative par le maire de Paris, Pétion. Le lendemain, la section des Quinze-Vingts annonce une insurrection pour le 10 août au cas où l’assemblée ne proclamerait pas la déchéance du Roi.
Le 25 juillet, la Législative autorise les sections parisiennes à siéger en permanence, et le 27 un organe de liaison entre les sections de Paris, le «bureau central de correspondance, est créé.
Le 31 juillet est votée l’émission de 300 nouveaux millions d’assignats.

Défaites militaires
La Législative proclame le 11 juillet «la patrie en danger».
Cela n’empêche pas les Autrichiens, qui ne s’activent pourtant que mollement, de s’emparer de Fourmies le 15 et de Bavai le 18.
Pendant ce temps, profitant de ce que les troupes de l’empereur sont occupées en France, la Russie et la Prusse se mettent d’accord sur un nouveau partage de la Pologne dont l’Autriche est exclue.

La veillée funèbre de la monarchie

C’est le 25 juillet que Brunswick lance de Coblence son manifeste où il menace Paris d’une exécution militaire s’il est fait la moindre violence, le moindre outrage à LL.MM. le Roi et la Reine. Le texte en est bien vite connu à Paris où il contribue avec force à échauffer les esprits.De son côté, la Cour ne reste pas inactive. Louis XVI est sorti de son apathie et s’est décidé à faire face. En attendant le retour espéré des gardes du corps émigrés à Coblence et dont la solde est toujours payée, on s’arme et on s’organise. Tout est mis à contribution : les pages de la Maison du Roi, les fidèles qui sont demeurés au château ou qui y sont revenus.
Au soir du 9 août, rien n’annonce autour de la famille royale que l’épreuve de force est pour le lendemain. Mais, à 23h00, on annonce que le coucher du Roi n’aura pas lieu. Cette nouvelle met en émoi tout le château : certains pensent que le souverain a décidé de monter à cheval et de gagner Fontainebleau pour déclencher une contre-révolution.
Un peu avant 01h00, l’église des Cordeliers commence à sonner le tocsin : c’est Danton qui a déclenché ce rappel des tape-dur. Vers 02h30, toutes les cloches de Paris reprennent ce signal lancinant. Aux fenêtres des Tuileries, chacun essaye d’identifier les églises par la sonorité de leurs cloches.
La Cour, désorientée par le supression du coucher, campe dans les salons au désespoir des huissiers qui déplorent ce manquement à l’étiquette.
Roederer, procureur-syndic du département de la Seine, vient au château apporter des nouvelles rassurantes : le faubourg Saint-Antoine, éternel détonateur utilisé par des meneurs occultes pour lancer les actions révolutionnaires, est en émoi, mais ne rassemble que peu de monde malgré le tocsin obsédant.
Les 900 Suisses, appelés de Courbevoie, défendent maintenant le château. Il y a bien aussi la garde nationale, mais on la sait peu sûre. Cette nuit-là toutefois, le bataillon royaliste des Failles Saint-Thomas est présent. La Cour estime pouvoir compter sur environ 1.500 hommes fidèles, plus deux à trois cents gentilshommes qui ont rejoint le château.
Louis XVI va s’étendre tout habillé dans sa chambre. Marie-Antoinette, en compagnie de la princesse de Lamballe, a refusé de se coucher, sachant qu’il lui sera impossible de dormir, et va de pièce en pièce. Madame Élisabeth l’appelle : Ma sœur, venez donc voir le lever de l’aurore. Le ciel est rouge sang.
Il est 04h00 et le tocsin s’arrête.

Le Roi quitte les Tuileries

Un silence inhabituel, angoissant, règne maintenant. Pendant ce temps, le marquis de Mandat, commandant la garde nationale, appelé à la Municipalité, vient d’être massacré sur les marches de l’Hôtel de Ville et son corps jeté à la Seine.
Marie-Antoinette va chercher Louis XVI. Celui-ci, encore tout somnolent car c’est un gros dormeur, pénètre d’un pas hésitant dans l’Œil-de-bœuf, avec sa perruque tout aplatie et dépoudrée du côté où il s’est couché.
Roederer, qui, comme beaucoup de ses contemporains mangera à tous les rateliers durant cette époque, se présente et conseille au Roi de se réfugier à l’Assemblée. Marie-Antoinette s’insurge contre cette proposition : Monsieur, il y a ici des troupes ; il est temps enfin de savoir qui l’emportera, du Roi et de la Constitution ou de la faction.Et elle donne l’ordre d’aller donner à boire aux Suisses. La foule des faubourgs commence à descendre vers les Tuileries. Les troupes qui doivent défendre le château se rangent dans les jardins et les cours. Trois pièces de canon sont placées face au Carrousel et deux autres sont installées sur la terrasse.

La Reine incite Louis XVI à descendre passer les troupes en revue. Les tambours battent «Aux champs». Vêtu d’un habit gris, la perruque applatie d’un côté, le gros homme passe en silence, en se dandinant, devant les rangs. Les Suisses et les gardes nationaux des compagnies d’esprit royaliste l’acclament. Une immense clameur de Vive la nation ! vient couvrir ces acclamations.
Des canonniers quitent leurs pièces pour venir l’insulter : À bas le veto ! À bas le gros cochon ! . Louis XVI ne sait que balbutier en réponse : J’aime la garde nationale.Le Roi, tout pâle, regagne le château. On annonce que les émeutiers sont maintenant devant le Carrousel.

C’est le moment que choisit Roederer pour insister : Sire, Votre Majesté n’a pas cinq minutes à perdre ; il n’y a de sûreté pour Elle que dans l’Assemblée nationale ; –Mais je n’ai pas vu beaucoup de monde au Carrousel, rétorque Louis XVI d’une voix lasse. Marie-Antoinette s’insurge de nouveau : Mais, Monsieur, nous avons des forces ; –Madame, tout Paris marche.
Ce personnage, dont le rôle paraît des plus étranges dans cette affaire, se tourne vers le Roi : Sire, le temps presse ; ce n’est plus une prière que nous venons vous faire, ce n’est plus un conseil que nous prenons la liberté de vous donner ; nous n’avons qu’un parti à prendre en ce moment, nous vous demandons la permission de vous entraîner.
Cet étrange discours étonne la Reine : Quoi, sommes-nous seuls, personne ne peut agir ? ; – Oui, Madame, seuls ; l’action est inutile, la résistance impossible.
Louis XVI, levant la tête, fixe le procureur-syndic du département de la Seine, puis se retourne vers la Reine. Marchons, dit-il en se levant.

Du haut de l’escalier, Roederer crie : Le Roi et sa famille vont à l’Assemblée, seuls, sans autre cortège que les ministres, et une garde. Veuillez ouvrir le passage ! Marie-Antoinette présente une objection : Mais, Monsieur, on ne peut abandonner tant de braves gens qui ne sont venus au château que pour la défense du Roi ; –Si vous vous opposez à cette mesure, rétorque Roederer, vous répondrez de la vie du Roi et de celle de vos enfants. Marie-Antoinette s’incline, mais lance à Monsieur de Jarjayes : Nous serons bientôt de retour.
La famille et ceux qui l’accompagnent s’éloignent à pas lents vers le jardin. Les jardiniers ont déjà rassemblé en tas les feuilles mortes. À ce spectacle, Louis XVI a cette réflexion : Les feuilles tombent tôt cette année. Pour sa part, le petit Dauphin, qui donne la main à Monsieur de Joly, ministre de la Justice, s’amuse à donner des coups de pied dans les tas de feuilles.
À ce moment, pas un seul coup de feu n’a encore été tiré !

Dans le château délaissé par la famille royale sur les conseils pervers de Roederer, on s’organise. Le vieux maréchal de Milly, âgé de 84 ans, a décidé de mourir s’il le faut les armes à la main. Il prend le commandement de sa propre autorité et transforme les Tuileries en une formidable redoute.

L’assaut contre le château

Les Tuileries avaient été investies dès huit heures le matin. Sur l’ordre du Roi, les Suisses s’étaient retirés à l’intérieur, la défense des cours étant confiée à la garde nationale. Les émeutiers, avec en tête les fameux Marseillais, attendaient pour l’assaut les gens du faubourg Saint-Antoine, sous la direction de Santerre. Ce dernier, atteint en chemin par l’avis de sa nomination au commandement de la garde nationale, s’était cependant précipité à l’Hôtel de Ville.
En attendant, les canonniers des Tuileries avaient livré les portes et les gendarmes s’étaient éclipsés. La foule braqua les canons sur le château, tandis que Westermann criait en allemand aux Suisses de se rendre. Ils refusèrent, estimant qu’ils seraient déshonorés par cette défection.
Les émeutiers agripèrent deux factionnaires suisses avec des piques à crochet et les désarmèrent avec de grands éclats de rire. Les Suisses s’étaient mis en bataille et, devant l’avanie subie par leurs deux camarades, ils firent feu. Cette première décharge, lâchée presque à bout portant, fut très meurtrière pour les assaillants qui refluèrent en désordre.
Enjambant les cadavres qui jonchaient le sol de la cour, les Suisses s’emparèrent des pièces de canons, reprirent la porte royale et, traversant le Carrousel, allèrent capturer les canons qui s’y trouvaient.

Nombreux sont les historiens qui ont écrit qu’à ce moment les Suisses n’avaient presque plus de munitions. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de militaires de carrière qui savaient qu’ils auraient cette fois à se battre, ni que la Cour attendait cet assaut depuis l’émeute du 20 juin et qu’elle avait pris ses précautions.
Le faubourg Saint-Antoine s’était maintenant joint aux émeutiers et l’assaut reprit. Les Suisses se retirèrent derechef dans le château d’où, avec les autres défenseurs, ils pouvaient tirer sur les assaillants de haut en bas, alors qu’eux-mêmes étaient protégés par les murs du bâtiment. Contrairement à de nombreux écrits historiques, loin d’emporter le château, les émeutiers furent de nouveau repoussés avec de lourdes pertes.
À ce moment, la monarchie avait gagné et démontré qu’avec de la résolution et du courage on pouvait vaincre l’émeute.

C’est alors que le combat cesse brusquement : les Suisses, vainqueurs, mettent bas les armes et sont aussitôt massacrés, avec une grande partie du personnel et des occupants du château, par l’émeute qui vient d’envahir les bâtiments et qui se livre incontinent à un pillage systématique dont quelques bribes sont amenées à l’Assemblée..
Que s’est-il passé ?

Les Suisses viennent de recevoir de Louis XVI l’ordre manuscrit de déposer à l’instant leurs armes et de se retirer dans leurs casernes. Ce sont des militaires : ils obéissent, stupéfaits, mais disciplinés.
Quelle est l’origine de ce billet ?
Des historiens disent que Louis XVI l’aurait rédigé sur les instances des députés. De quels députés ? Personne n’a été en mesure de citer leurs noms.
Personne n’a témoigné d’avoir vu le Roi écrire ce papier, ni le dicter à un quelconque secrétaire, ni le signer, ni l’avoir confié à qui que ce soit, ni désigné la personne qui avait eu le douloureux devoir de le faire parvenir au château, ni qui l’y avait reçu.
Qui plus est, lorsque l’on examine bien ce billet, il est impossible d’y reconnaître la petite écriture fine et régulière de Louis XVI : le tracé de trop nombreuses lettres diffère. Sa signature, en outre, est complètement déformée. Ces faits, matériels, sont étranges, même en tenant compte de la situation inconfortable du souverain à ce moment.
Toutes les circonstances sont donc réunies pour émettre cette hypothèse : Le billet - dit de Louis XVI - ordonnant aux Suisses de cesser le combat est très vraisemblablement un faux !
Voyant que leurs projets étaient déjoués, et cette fois sans doute de façon définitive, certains adversaires de la monarchie n’ont pas hésité à recourir à cette ignominie.

La famille royale à l’Assemblée

Bien avant cette issue fatale, le petit cortège royal pénètre dans la salle où se réunit l’Assemblée, d’ailleurs fort clairsemée. La présidence est occupée ce jour-là par Vergniaud. Louis XVI s’adresse à lui en disant : Je suis venu ici pour éviter un grand crime et je pense que je ne saurai être plus en sûreté qu’au milieu de vous. Vergniaud lui répond en ces termes : Sire, vous pouvez compter sur la fermeté de l’Assemblée nationale ; ses membres ont juré de mourir en soutenant les droits du peuple et les autorités constituées.
Ceci exprimé, le président ne sait trop où installer la famille royale. Il se décide enfin pour lui offrir asile dans la loge du logographe. C’était un réduit, derrière le fauteuil du président, où des secrétaires s’installent pour noter, à l’aide d’un système d’écriture semblable à notre sténographie moderne, les paroles abondantes prononcées dans cet antre des discours pompeux qu’était l’Assemblée dite nationale. Il était ainsi possible d’établir des comptes rendus des interminables séances qui, on ne sait trop pourquoi, se déroulaient en grande partie la nuit.

La famille s’entasse dans cet antre : Louis XVI, Marie-Antoinette qui prend son fils sur ses genoux, Madame Élisabeth et Madame Royale. Elle y étouffera littéralement toute la journée. Le petit Dauphin a faim et soif.
Monsieur de Joly, dernier ministre de la Justice de Louis XVI, auquel le jeune prince donnait la main pendant le trajet du palais au Manège, se dévoue pour aller chercher un repas à la cantine de l’Assemblée. Par scrupule - et aussi sans doute en vertu d’une méfiance non sans raison -, il goûte tous les mets. À tel point même que Louis Charles lui dit : Assez, ministre, assez ! .

Les échos du combat sont parvenus jusque dans l’Assemblée. Puis tout s’est tu. C’est alors un défilé ininterrompu d’émeutiers exhibant le produit du pillage, les armes prises aux Suisse qui ont été massacrés, venant faire des déclarations enflammées. Est-ce là comme des citoyens français doivent être reçus au palais de leur Roi ? s’indigne un émeutier noir de poudre, sans que personne n’ose remarquer que venir en armes avec des munitions est une bien curieuse façon de se faire inviter.Marie-Antoinette reste très maîtresse d’elle-même. Mais Louis XVI, qui escomptait un tout autre résultat de cette «journée», demeure, selon un témoin abasourdi et sans force.

Une tempête règne sur l’Assemblée, apeurée. Robespierre, Marat, Danton et, en sous-main, la Commune pressent les décisions. Vergniaud se lève finalement de son siège et fait adopter deux mesures : Le peuple français est invité à former une Convention nationale. Le chef du pouvoir exécutif est provisoirement suspendu de ses fonctions.
Des délégations poussées par la Commune défilent sans arrêt en exigeant la déchéance royale. Il est réduit à l’imposibilité de nuire, rassure Vergniaud La future Convention statuera.
C’est là un camouflet supplémentaire à l’adresse de la famille royale.
Mais, cette famille, on ne sait où l’héberger : rien n’a été prévu. On parle de la loger au Luxembourg dès que le calme sera revenu. En attendant, pour ce soir du 10 août 1792, Louis XVI et les siens, accompagnés de la princesse de Lamballe, de Madame de Tourzel et de Madame Aughié, une femme de la Reine, sont parqués dans les petites cellules du couvent des Feuillants, attenant au Manège où siège l’Assemblée.

Le Dauphin

Il a fêté son septième printemps le 27 mars 1792. À cette occasion, il est passé aux hommes, c’est-à-dire que, ce jour-là, son père Louis XVI lui a nommé un gouverneur, Monsieur de Fleurieu, lequel est désormais responsable de l’éducation du jeune prince, en remplacement des femmes qui s’occupaient de lui jusqu’à présent.
Il a donc ce que que l’on appelle l’âge de raison, ce qui signifie qu’il a atteint l’âge où un enfant commence à raisonner, détail particulièrement important chez un garçon aussi intelligent.
Ceci précisé, qu’a pu comprendre le jeune Prince Royal (c’est le titre qui, depuis la constitution de 1791 désigne l’héritier du trône) aux événements de cette sinistre journée ?
Une fois de plus, il a vu son peuple sous son jour le plus horrible. Bien sûr nous savons que le vrai peuple parisien, et même français, ne formait qu’une minorité des émeutiers. Mais l’enfant est trop jeune pour connaître ce détail.
Pour lui qui s’intéressait déjà à tout ce qui est militaire et qui aimait faire tirer le canon, le bruit du combat n’a pas dû l’effrayer.
Mais, une fois de plus, il lui a fallu quitter le palais auquel il était habitué, mais, cette fois, il se retrouve en prison avec toute sa famille. À son âge, que peut-il comprendre à tout ce charivari répété ? A-t-il de nouveau posé des questions à son père ? Si c’est le cas, l’histoire n’en a pas conservé trace. Il serait d’ailleurs douteux que Louis XVI ait répondu davantage aux questions de son fils que précédemment.
Les déceptions se suivent au fil du temps. Et pourtant, il sait qu’il est destiné à monter sur le trône à la suite de son père et il ne l’oubliera jamais. Terrible ambiguïté pour un prince aussi jeune.
Il a exactement sept ans quatre mois et quatorze jours.

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Bibliographie

G. Lenotre & A. Castelot, Les grandes heures de la Révolution française, Tome II, La mort du Roi, p. 71, d'où proviennent toutes les illustrations sauf : l' «Attaque des Tuileries» , A. Castelot & A. Decaux, Histoire de la France et des Français au jour le jour, 1774-1792 ; l'«Assaut des Tuileries» extrait de la Réserve 2 (Fonds Pierrard) ; et la «Lettre de Louis XVI», Xavier de Roche, Louis XVII, p. 32.Remarques graphologiques sur le « Billet aux Suisses » : – dans la lettre du 16 avril (donc quatre mois auparavant), Louis XVI écrit constamment «Roy» avec un y ; dans le «Billet aux Suisses», Roi est écrit avec un i. Louis XVI écrit la lettre d avec une hampe souvent droite, parfois courbe, mais jamais bouclée contrairement à la même lettre du billet. Les lettres x, L majuscule et r sont écrites différemment. De plus, le billet contient une faute d'orthographe : carerne au lieu de caserne, alors que Louis XVI qui avait reçu une excellente éducation n'en faisait pas ! On peut donc exonérer le Roi d'avoir livré au carnage ses meilleurs soldats dont l'honneur s'appelait Fidélité.