La différence de deux centimètres entre les dimensions des cœurs de 1894 et de l’an 2000 peut-elle s'expliquer par une différence de méthode ?
Le cœur du premier Dauphin, Louis Joseph, a-t-il été embaumé ?

Laure de La Chapelle répond à ces deux objections majeures :


l° ) Le cœur « Pelletan » expertisé en 1894 et celui qui a été analysé par le Dr Pfeiffer en 1999 présentaient une longueur d'aorte pendante de 2 cm. Le problème que pose cette caractéristique est double :

- La longueur d'aorte peut-elle être prise en compte pour calculer la dimension d'un cœur? (Certains voulant en effet rajouter les 2 cm d'aorte aux 6 cm du cœur de l'an 2000 pour atteindre les 8 cm du coeur de 1894. )
- Le cœur du premier dauphin possédait-il ce bout d'aorte ?

Voici l'avis autorisé du Dr Geoffroy Lorin de la Grandmaison, du service d’Anatomie pathologique et de Médecine légale de l'hôpital Raymond Poincaré à Garches (Hauts de Seine) donné le 2 juillet 2001 en réponse à l'affirmation que la mensuration faite par le Dr Martellière pourrait avoir intégré un segment d'aorte ascendante de 2 cm :

Cette explication est peu vraisemblable, la hauteur du cœur étant normalement toujours mesurée de la pointe à la base du cœur, sans inclure l'aorte et l'artère pulmonaire.


Quant à la seconde partie de la question, concernant cette fois la présence et la dimension d'un bout d'aorte dans le cœur du premier dauphin, voici la suite de la réponse du Dr Lorin de la Grandmaison :

L'isolement du cœur est classiquement réalisé lors d'une autopsie de la façon suivante :
Après ouverture du péricarde, une section de l'artère pulmonaire et de l'aorte ascendante est pratiquée par le sinus de Theile, suivie d'une section des veines caves et pulmonaires. Le cœur isolé présente donc toujours à sa base un segment d'aorte ascendante et d'artère pulmonaire de longueur variable, faisant souvent de 1 à 3 cm. La présence d'une longueur identique d'aorte ascendante dans la description des deux cœurs ne peut donc servir comme argument d'identification.

Cette conclusion très ferme clôt, à mon avis, le débat sur les deux points de cette question.

2° ) Le second problème abordé par certains correspondants est de savoir si le cœur du premier dauphin, Louis Joseph, a été embaumé.
L'embaumement des cœurs a été pratiqué au 17ème siècle pour les personnes royales, souvent sans résultats satisfaisants.
Les progrès de la médecine au siècle suivant ont permis de changer de procédé et d'employer un mélange hydro-alcoolique, dont le résultat était de dessécher complètement le viscère, en en réduisant considérablement les dimensions, comme le souligne un célèbre anatomiste du 19ème siècle, cité par la Chronique Médicale du 1er novembre 1895 :

Au début de ma carrière, on se servait encore d'un mélange à parties égales d'alcool et d'eau, qui rétractait considérablement les tissus. Vraisemblablement, c'est le liquide qu'aura employé Pelletan. Frappé de cet inconvénient, j'ai substitué au mélange hydro-alcoolique une solution saturée d'acide arsénieux, additionnée de 1/10 d'alcool. Cette solution est avantageuse, parce qu'elle rétracte à peine les tissus, pour ainsi dire pas du tout.

La simple logique donne en effet à penser que le Dr Pelletan ne fit pas subir au cœur prélevé sur l'enfant du Temple un traitement de conservation différent de celui que l'on pratiquait de son temps et qui dut être sensiblement identique à celui qui fut employé six ans auparavant, pour le cœur de Louis Joseph premier Dauphin.
D'autre part, lors du transfert du cœur de Louis Joseph au Val de Grâce le 12 juin 1789 (une semaine après l'autopsie, pendant laquelle les médecins prélevèrent le viscère qu'ils déclarèrent sain) le cœur fut transporté dans une urne (in : Un prince méconnu, le Dauphin Louis Joseph, fils aîné de Louis XVI par Reynald SECHER et Yves MURAT, Ed. R.S.E. 1998, pp 202 et 203) Ce conditionnement était provisoire puisqu'en 1817, il était contenu dans une double enveloppe de plomb et de vermeil (Rapport au Roi de septembre 1817).
La présence d'une urne implique le même traitement de conservation à base d'esprit de vin (ou d'alcool) et d'eau, que celui utilisé par Pelletan six ans plus tard pour le cœur de l'enfant du Temple.
Les deux cœurs furent donc traités selon le même procédé et subirent tous les deux une dessication complète, intense et fortement réductrice. Pour les deux viscères, la dessication est absolue et la consistance pétrifiée. Le résultat est très différent d'un embaumement, qui avait permis aux profanateurs du Val de Grâce de se servir de cœurs plus anciens pour fabriquer de la mummie, mélange de matières organiques broyées et incorporées à de la peinture ! Horresco referens...

Voilà ce qu'on peut répondre aux questions soulevées par la présence de “deux cœurs de Louis XVII“.