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LA MONTEE
AU
CALVAIRE
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Reconnu par le juge Destez, Louis XVI vient dadmettre quil est bien le Roi. Un silence suivit cette déclaration. Il sensuit une certaine émotion qui gagne Sauce et les municipaux. Lépicier propose même au monarque de partir au jour pour Montmédy avec une escorte de cent gardes nationaux. Louis XVI ramène le chiffre à cinquante.
La nuit de Varennes
Le bourg est soudain secoué dune vive agitation. Des clameurs se font entendre : les quarante hussards de Pont-de-Somme-Vesle, auxquels Choiseul avait fait quitter leur poste et qui sétaient égarés en chemin, dévalent la rue au grand trot, Choiseul et son adjoint Goguelat en tête. Ils dégagent rondement les abords de la maison.
Peu de temps après arrivent à son tour le colonel de Damas, qui était en poste à Clermont, conduisant un petit groupe de dragons : les bourgeois avaient réussi à empêcher la majeure partie de son détachement de cent cinquante cavaliers de sortir de leurs logements.
Les trois officiers pénètrent dans la petite chambre du premier étage où ils sont bien accueillis. Ayant réussi à attirer le Roi et la Reine à lécart, ils leur décrivent la situation et lassortissent de ce conseil : il faut que la famille royale se sauve sans tarder ! Si on attend, dans une heure les cavaliers seront gagnés aux révolutionnaires !
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Les hussards se débandent peu à peu. On leur offre à boire, bien entendu à la santé de la nation. Il faut à peine une heure pour que la plupart dentre eux soient totalement ivres.
Malgré le vacarme, Louis Charles et sa sur continuent de dormir dans le lit de lépicier. Une vieille dame, la grand-mère de Sauce, née sous Louis XIV, vient sagenouiller devant le lit, embrasse doucement une main qui dépasse, prie longuement et se retire en pleurs : pour elle, on commet un crime de lèse-majesté dans la maison même de son petit-fils
Choiseul combine un autre plan. Il pensait, comme le Roi, que Bouillé ne tarderait pas, mais réfléchissait que le moment de son arrivée, face à la foule excitée qui emplissait la rue et se glissait jusquà lintérieur de la maison, serait un moment de grand danger. Les trois officiers résolurent donc quà ce moment précis ils se retrancheraient dans les deux pièces du premier étage et, profitant du fait que lescalier était en colimaçon, de se placer lun derrière lautre. De ce fait il faudrait les tuer successivement avant darriver au Roi, ce qui laisserait le temps aux troupes de nettoyer la place.
Un dénommé Radet se présente aux trois officiers : futur général (cest lui qui, sur lordre de Napoléon, enlèvera plus tard le pape Pie VII), il commande alors la compagnie des canonniers de Varennes, laquelle ne dispose que de deux pièces inutilisables. Il fait observer que la cour de la maison donne sur la ruelle de la Vérade, laquelle nest pas gardée. Par cette issue, on peut facilement gagner la forêt.
Louis XVI, mis au courant, refuse : Monsieur de Bouillé ne peut plus tarder maintenant. Le pauvre monarque et ceux qui lentourent ignorent que le général, bien loin de galoper à la tête du Royal-Allemand, se trouve encore à Stenay
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Mais ce ne sont pas les troupes de Bouillé qui arrivent. Cest toute la population du pays alentour, alertée par le tocsin. Varennes prend laspect dune immense foire improvisée où lon cuit le pain et grille des tranches de lard ; le vin coule à flots.
Choiseul propose au Roi de démonter sept de ses hommes : Louis XVI prendra son fils dans ses bras, les autres personnes monteront chacune un des chevaux ainsi libérés : avec les 33 hussards qui lui resteront, le duc se fait fort douvrir la route au souverain et à sa famille. Louis XVI lui demande dun ton vif sil répond que, dans ce tumulte, une balle ne viendra pas tuer son fils, ou la Reine, ou quelquun dautre. Le duc ne peut bien sûr pas le garantir au Roi, et nul, à sa place, ne le pourrait.
Trop optimiste, Louis XVI pense que, dès linstant de son arrivée, soit vers 23h30, le jeune Bouillé est parti avertir son père et que les troupes que le général a échelonnées sur la route vont arriver successivement. Il estime donc que le marquis de Bouillé lui-même sera à Varennes vers les 4 ou 5 heures du matin et que, sans danger ni violence, il pourra reprendre sa route en sûreté.
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Le départ
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Sauce est soudain appelé à lhôtel de ville. Il est un peu plus de 05h00. Il trouve là Romeuf et Bayon qui viennent darriver, après sêtre rejoints à Châlons. Romeuf, royaliste, aurait préféré continuer seul, mais Bayon nestimait pas son rôle terminé. Ils avaient donc quitté cette ville dans le même cabriolet. À Sainte-Menehould, ils avaient appris le départ de Drouet et étaient arrivés à Clermont à 03h00. Ils avaient croisé là le chirurgien Mangin qui se hâtait de porter à Paris la nouvelle de larrestation de la famille royale. Ils repartirent vers Varennes alors que sonnait le tocsin et quune foule suivait les deux bas-côtés de la route en direction du bourg.
Ils étaient arrivés à 05h00 à lhôtel de ville de Varennes. La municipalité était perplexe : arrêter le Roi, cétait commettre un crime de lèse-majesté ; mais le laisser partir était peut-être aussi dangereux. Les deux Parisiens sont accueillis avec soulagement : ils sont porteurs du décret de lAssemblée qui résoud leur problème. Sauce les conduit dans sa maison et les introduit au premier étage, alors que la foule compacte massée dans la rue, sur le seuil, fait soudain silence.
Bayon titube de fatigue. Lhabit ouvert, il savance vers le Roi mais ne peut prononcer que des mots sans suite, disant que Paris sinsurge, quils ont peur pour leurs femmes et leurs enfants. Marie-Antoinette lui saisit énergiquement la main et lamène devant le lit où dorment toujours les enfants royaux : Ne suis-je pas mère aussi ?
Le Roi le questionne : Enfin, que voulez-vous ? - Sire, un décret de lAssemblée - Où est-il ? - Mon camarade le tient.
Romeuf paraît. Son habit est défait et couvert de poussière. La Reine, qui voyait chaque jour laide de camp de La Fayette, est suffoquée : Quoi, Monsieur ! Quoi ! Cest vous ! Ah ! Je ne laurais jamais cru !
Le Roi prend le papier et lit : Ordre à tous les fonctionnaires de faire arrêter les individus de la famille royale !
. Toutes mesures pour arrêter le dit enlèvement
. Les empêcher de continuer leur route !
Louis XVI conclut dune voix sourde : Il ny a plus de Roi en France ! Il pose le décret sur le lit où dorment ses enfants. Marie-Antoinette le reprend et le jette violemment à terre : Je ne veux pas quil souille mes enfants ! Un murmure de réprobation accueille ce geste. Choiseul le ramasse et le pose sur la table.
Dehors, la foule crie : À Paris ! À Paris ! Louis XVI demande quon le laisse seul avec les deux émissaires de lAssemblée. Il est alors 05h45. Larrivée de Bouillé ne peut être quimminente, pense le Roi : il faut gagner du temps ! Bayon semploie à exciter la foule pour quelle exige le départ du Roi.
Vers 06h00 se présente le capitaine dEslon, qui commande à soixante-six hussards. Il vient solliciter les ordres du Roi et se dit prêt à charger. Mais ce dernier, constatant la facilité avec laquelle
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Louis XVI, pour sa part, feint de sassoupir. Madame de Neuville simule une crise nerveuse, qui permet de gagner encore vingt minutes.
À 07h30, le Roi donne enfin lordre datteler et la voiture vient se ranger devant la porte. La famille royale prend place dans la berline, tandis que les trois gardes du corps se serrent sur le siège du cocher. Choiseul ferme la porte. Route de Montmédy ! lance le Roi dune voix quil voudrait ferme. Mais la voiture prend la route de Paris
Le cortège commence à sétirer le long de la route menant à Clermont. Cest alors que, de lautre côté de la rivière, le chevalier de Bouillé réapparaît sur les hauteurs de Cheppy, entouré de cavaliers. Il cherche un gué pour traverser le cours deau, mais un canal qui se trouvait de lautre côté lempêche de le franchir.
Or, il navait pas besoin de le faire : un quart de lieue après Varennes (environ un kilomètre) la route de Clermont franchit lAire pour aller traverser le hameau de Boureuilles. Le chevalier de Bouillé et ses cavaliers se trouvaient sur la même rive que linfâme cortège ! Et ils lignoraient ! La charge dun ou deux pelotons aurait suffi à disperser dun coup le ramassis de pleutres qui entouraient la berline, et la famille royale aurait été sauvée !
On ne peut être que scandalisé quand on constate non seulement linconscience - ce qui est déjà grave dans une affaire aussi importante - mais ce quil faut bien appeler lincompétence de ces officiers. Quelques heures plus avant dans la nuit déjà, Choiseul et ses cavaliers sétaient égarés en forêt pour aller de Pont-de-Somme-Vesle à Varennes. Il est évident quils ne se sont même pas souciés de se munir de cartes. En admettant même quils naient pas pu en trouver, ils auraient dû impérativement repérer au préalable le terrain sur lequel ils auraient à opérer et en dresser des dessins succincts. Napoléon, qui sy connaissait au point de vue militaire, ne dira-t-il pas quelques années plus tard : Un mauvais croquis vaut mieux quun long rapport ?
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La nuit tragique de Varennes, vue par les Néerlandais
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il avait eu accès à lui et craignant quil soit du même sentiment que la garde nationale, ne lui fait pas confiance : Vous le voyez, je suis prisonnier. Je ne puis vous donner dordre. DEslon demande alors en allemand à Marie-Antoinette ce quil doit faire : Attendez Monsieur de Bouillé. Vous lui direz notre position. Il ne peut tarder à venir. Et dEslon se retire.
Il est maintenant près de 06h30. Une foule estimée à dix mille personnes se presse dans le bourg. Elle exige en hurlant le départ du Roi, dautant que lidée que Bouillé et ses escadrons puissent surgir dun instant à lautre la remplit deffroi.
La municipalité presse Louis XVI de se mettre en route, mais le Roi voudrait attendre onze heures. Il accepte finalement de partir pour Fontainebleau, mais demandequon lui serve dabord à déjeuner. La famille royale mange en silence, y compris les deux enfants que lon a réveillés à cette fin. Ils se rendorment aussitôt ce rapide repas achevé.
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Le chemin de croix de la famille royale
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Le tocsin sonne partout alentour. Il fait une chaleur étouffante. La berline tangue dans une véritable marée humaine : les paysans marchent dans le cortège sur quelques kilomètres, puis rentrent chez eux, cédant la place à dautres. Ce flot humain soulève une poussière suffocante. Plus de 6000 gardes nationaux entourent la voiture qui avance au pas. Ils ont exigé que les vitres et les stores soient levés. De temps à autre, lun deux lance un Vive la nation ! par la portière.
À Clermont, que le cortège atteint à 10h00, dix mille hommes hurlent le même slogan. Sauce, inquiet de ce qui peut se passer à Varennes, prend respectueusement congé du Roi et de la Reine et rentre chez lui.
Il est 13h30 quand la berline arrive à Sainte-Menehould. Le maire, Dupin, reproche au Roi dêtre parti. Quant à Drouet, qui avait quitté Varennes depuis quatre heures du matin, il caracole en tête du cortège : il faut bien noter que, durant toute cette équipée, Drouet naura jamais approché le Dauphin.
La voiture sarrête enfin devant lhôtel de ville où un repas a été préparé dans une pièce du rez-de-chaussée. La foule réclamant les prisonniers, Louis XVI et Marie-Antoinette, qui tient le Dauphin dans ses bras, montent au premier et paraissent au balcon. Ils sont frappés par un tonitruant Vive la nation ! .
La Reine et Madame Élisabeth sont exténuées (elles viennent de passer deux nuits blanches), les enfants sont fatigués. Le Roi décide donc de passer la nuit sur place. Les palefreniers poussent la berline vers la remise
.
Alors que le maire est parti chercher des cerises pour le Dauphin, Bodan, un des officiers de La Fayette partis à la poursuite de la famille royale, arrive et apostrophe Louis XVI : Sire, je nai pas encore eu lhonneur de me présenter devant Votre Majesté. Jose le faire en ce moment et lui déclarer que, comme dépêché du corps municipal de la ville de Paris,je le supplie de ne pas différer un instant son départ pour se rendre dans la capitale.
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Certains municipaux indiquent au Roi un escalier dérobé et non gardé qui part de la chambre où dort le Dauphin : le Roi pourrait fuir et gagner à cheval larmée de Bouillé. Mais il lui faudrait abandonner sa famille : Louis XVI refuse. Le jour commence à poindre quand il sendort
. Il compte sur larrivée des Rémois en se souvenant des acclamations du sacre et songe quil pourrait peut-être rester à Châlons.Il est 23h30, le 22 juin, quand le cortège arrive à Châlons. La famille royale, en route depuis quatorze longues heures, couverte de poussière, est exténuée. Madame Royale a peine à se tenir debout. Châlons est une ville dopinion plutôt monarchiste et la municipalité a préparé un repas copieux et des logis. Il faut encore subir les harangues des municipaux. La famille peut alors se mettre à table. Il est 02h00 quand le Roi et les siens, qui ne se sont pas couchés depuis leur départ des Tuileries, peuvent enfin gagner leur lit.
Certains municipaux indiquent au Roi un escalier dérobé et non gardé qui part de la chambre où dort le Dauphin : le Roi pourrait fuir et gagner à cheval larmée de Bouillé. Mais il lui faudrait abandonner sa famille : Louis XVI refuse. Le jour commence à poindre quand il sendort
. Il compte sur larrivée des Rémois en se souvenant des acclamations du sacre et songe quil pourrait peut-être rester à Châlons.
À 09h00, un vacarme infernal réveille le Roi. Les Rémois viennent darriver à Châlons et hurlent devant la maison : «Il faut faire des cocardes de leurs boyaux et des ceintures de leurs peaux ! Nous mangerons leurs curs et leurs foies ! ». Cest à cette fin quils veulent entraîner la famille à Reims. Les municipaux de Châlons leur expliquent que litinéraire est déjà tracé : Épernay, Château-Thierry, Dormans. Les Rémois exigent alors le départ immédiat. Le Roi leur fait répondre quil partira en effet quand il se sera habillé, quil aura entendu la messe et quil aura dîné.
Ce jeudi 23 juin est en effet la Fête-Dieu, pour laquelle Louis XVI avait promis au clergé de Saint-Germain-lAuxerrois, dassister à la procession. Cest un prêtre jureur, labbé Charlier, qui dit la messe. Elle est à peine commencée que des pierres lancées dans les fenêtres font éclater les vitraux. Dhorribles vociférations partent de la foule qui cherche à forcer lentrée de la chapelle. La famille royale est terrorisée. Bodan pénêtre dans léglise où le Roi est à genoux devant lautel : ll faut partir sur-le-champ, Sire. - Monsieur, la messe nest pas finie. - Sire, faites uvre pie. Je vous supplie de ne pas différer. - Puisque ces hommes soublient jusquà mécontenter Dieu, retirons-nous pour éviter un plus grand scandale.
Louis XVI et Marie-Antoinette se montrent au balcon, espérant calmer les Rémois, mais une tempête de hurlements jaillit de la foule compacte. La famille se met à table mais ne peut presque rien avaler. Dehors, les Rémois crient que Le Roi était assez gros pour ce quils voulaient en faire.
Louis XVI et les siens réintègrent la berline et les voitures qui sébranlent, entourées de la garde nationale de Châlons. Mais tout aussitôt une rumeur se répand dans la ville selon laquelle Bouillé et les Autrichiens approcheraient. La population a forcé les portes de l'hôtel de ville, réclamant des armes. L'escorte doit regagner la ville, laissant les voyageurs à la merci de la lie révolutionnaire.
Cest une véritable cohue ivre et hystérique qui entoure la berline. Bodan nous décrit le cortège de ces
braves citoyens français arrivant nous joindre de tous côtés, les uns armés de fusils, les autres de fourches, de crochets, de faux emmanchées à lenvers
Cest une gigantesque beuverie. Bodan continue en effet :
avec empressement, chacun des habitants des bourgs et villages par où nous passions, nous offrait des rafraîchissements ; les rues se trouvaient bordées de tables couvertes de morceaux de pain tout coupés ; le vin, la bière, leau, tout nous était offert avec les plus vives félicitations.
Il se trouva pourtant quun garde national qui marchait à côté de la voiture se plaignit de la faim. Marie-Antoinette lui tendit une cuisse de volaille. Ny touchez pas ! Cest sûrement empoisonné, puisquon vous loffre ! , cria quelquun. Louis XVI sen saisit pour en manger sur-le-champ, ainsi que les enfants.
Un peu avant 16h00, la berline stoppe à lentrée de Chouilly. La chaleur est étouffante et les voyageurs à bout de force. Les gardes nationaux se ruent vers les tavernes, alors que des hommes entourent la voiture et huent le Roi en lui tendant le poing. Lun deux monte sur le marchepied et crache à la face de Louis XVI qui sessuie sans un mot dune main tremblante. Après une station dune demi-heure sous un soleil de plomb, la voiture se remet en marche, environnée dun nuage de poussière.
Des témoins murmurent : Ils narriveront pas vivants à Paris ! .
Tandis que sonne la cloche dalarme, une foule armée, denviron 10.000 hommes, se presse à Épernay où la famille royale devait sarrêter pour dîner. La cohue est si dense quil est impossible de faire avancer la voiture jusquau perron de lhôtel de Rohan. Des invectives, des injures, des menaces de mort jaillissent. Un témoin affirmera avoir entendu un homme dire à un de ses camarades : Cache-moi bien pour que je tire sur la Reine, sans que lon sache doù le coup sera sorti.
Madame Royale raconte : Il fallut descendre au milieu des huées de ces gens qui disaient hautement quils voulaient nous tuer. De tous les moments que jai vus, ce fut un de ceux qui me frappèrent le plus et dont lhorrible impression me restera toujours.
Le jeune Cazotte, fils de lécrivain, commandait la garde nationale dÉpernay. Il témoigne lui aussi : Mille cris injurieux sélevaient ; des menaces atroces sadressaient surtout à la Reine
.Le Dauphin, porté par un garde du corps, cessant dapercevoir ses parents, les demandait avec des larmes, et ce fut à moi quil sadressa, en passant ses bras à mon cou. Mes joues furent mouillées de ses pleurs
Après un bref repas, il fallut remonter en voiture. Quelques gardes nationaux doivent porter Madame de Tourzel au-dessus des flots du peuple. Marie-Antoinette, dont la fille de laubergiste vient tout juste de raccommoder tant bien que mal la robe déchirée, est huée, conspuée, écrasée, poussée dans les remous jusquà la portière.
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Monsieur, je ne vous connaîs pas ! réplique le Roi, suffoqué par tant daudace.
Mais la foule exige le départ immédiat pour Châlons. La famille est contrainte de reprendre place dans la berline.
Les magistrats de Châlons sont venus en poste à la rencontre du Roi. La cohue avinée qui entoure la berline est telle quils ne peuvent lapprocher et repartent horrifiés vers leur ville.
Peu après Sainte-Menehould, à la hauteur de la Gréveric, le comte de Dampierre, dont le château se trouvait à proximité, vient échanger quelques mots à la portière du cabriolet de Mesdames Brunier et de Neuville. Un groupe laccuse dintelligence avec le Roi et lassaille ; ils le massacrent en vue de Bayon qui ne bronche pas. Blessé, cherchant à senfuir sur son cheval, Dampierre est rattrapé , achevé et dépecé. Les brutes, affublés du chapeau et des vêtements de la victime, viennent présenter les morceaux à la berline aux cris de Vive la nation ! . Que se passe-t-il ? , demande Louis XVI. Rien, cest un fou quon tue !
Il est 23h30, le 22 juin, quand le cortège arrive à Châlons. La famille royale, en route depuis quatorze longues heures, couverte de poussière, est exténuée. Madame Royale a peine à se tenir debout. Châlons est une ville dopinion plutôt monarchiste et la municipalité a préparé un repas copieux et des logis. Il faut encore subir les harangues des municipaux. La famille peut alors se mettre à table. Il est 02h00 quand le Roi et les siens, qui ne se sont pas couchés depuis leur départ des Tuileries, peuvent enfin gagner leur lit.
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Trois commissaires de l'Assemblée
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Peu après 19h00, la berline sapproche de la ferme du Chêne-fendu, au bord de la Marne, et sarrête. À cet endroit lattendent les trois commissaires de lassemblée : Latour-Maubourg, Pétion et Barnave. Précédés dun huissier, ils savancent vers la voiture. Mathieu Dumas, qui commande les escortes nous la dit entourée dune foule tumultueuse et en désordre. Pétion déclare sans broncher que le cortège était superbe. La portière souvrit sur-le-champ et des paroles confuses jaillissent de lintérieur. Marie-Antoinette et Madame Élisabeth paraissent en effet éplorées ; elles parlent avec précipitation. Pétion interrompt ce quil qualifie de caquetage pour lire le décret de lAssemblée qui donne pleins pouvoirs aux commissaires et prévoit que le respect dû à la dignité royale doit être maintenu. Il grimpe sur le siège de la berline pour en faire une seconde lecture à la foule, qui fait soudain silence. Il précise à deux reprises que Dumas est chargé des escortes et quon doit lui obéir.
En redescendant, il dit : Il est dans les convenances que nous prenions place dans la berline. Mais les trois commissaires ne peuvent y entrer. Latour-Maubourg, dopinion royaliste, espérant quun contact direct avec la famille royale produira une impression favorable sur ses collègues, décide de voyager avec les deux femmes de chambre. Pétion et Barnave montent donc dans la berline, mais constatent aussitôt quils ne disposent daucune place. Mais, Sire, nous allons vous gêner, vous incommoder ; il est impossible que nous trouvions place ici - Je désire quaucune des personnes qui mont accompagné ne sorte, répond Louis XVI, je vous prie de vous asseoir, nous allons nous pousser, vous trouverez place. La Reine prend le Dauphin (qui, depuis le matin, a retrouvé ses habits de garçon) sur ses genoux et Barnave sassied au fond, à côté du Roi. Pétion sinstalle sur la banquette de devant, entre Madame de Tourzel et Madame Élisabeth, qui prend Madame Royale entre ses jambes. Pétion sétonne de lair de simplicité de la famille. Il sattendait à voir encore tout un decorum : il découvre une famille bourgeoise. Marie-Antoinette et Madame Élisabeth sappellent ma petite sur. La Reine fait sauter son fils sur ses genoux. Le Roi offre à boire : Barnave refuse, mais Pétion accepte, tapant même son verre sur le goulot de la bouteille pour indiquer quil a assez de vin.
Le Dauphin se soulage à deux ou trois reprises et Pétion admire : «Cest le Roi qui lui déboutonnait sa culotte et qui le faisait p
. dans une espèce de grande tasse dargent».
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Pétion et Barnave, qui sont des adversaires politiques, durent partager le même lit. Le Roi, trouvant le sien trop mauvais, dormit trois heures dans un fauteuil. Madame de Tourzel précise que le tapage empêcha tout le monde de fermer lil. Pétion reconnaît que les gardes nationaux passèrent la nuit à chanter, à boire et à danser des rondes. Même le Dauphin se réveille en sursaut, après un cauchemar où il se croit dans un bois avec des loups tandis que Maman-Reine est en danger. Il fallut linstaller auprès de sa mère pour quil se calme.
Au matin, la famille royale et les commissaires sentassent derechef dans la voiture. Pétion sinstalle entre le Roi et la Reine. Le Dauphin, très gai et remuant, vient sasseoir sur ses genoux.
Il fait une chaleur atroce. La poussière tourbillonne. Marie-Antoinette baisse un store et la foule proteste. Madame Élisabeth veut le rouvrir, mais la Reine qui mange une cuisse de pigeon arrête son geste : Non, non ! Il faut avoir du caractère. Elle ne le relève que lorsquelle a fini, en jetant los par la portière : Il faut avoir du caractère jusquau bout.
Il est 11h00 quand la berline sarrête sous des ombrages devant le relais de Château-Thierry. Les habitants se sont attroupés sur les bords de la Marne et injurient la famille royale en présence des commissaires qui ne réagissent pas : Louis, Toinette, montre donc ta figure ! La foule prend plaisir à faire crier Vive la nation ! au petit Dauphin. Il passe la tête par la portière et, tout sourire, sexécute de bonne grâce.
Mathieu Dumas estime que ça suffit. Il presse le relais et, dès le départ de la berline, barre la route avec laide de la garde nationale de Soissons. Les huit chevaux peuvent alors prendre le trot, ce qui ne sétait pas fait depuis Varennes. Une mince escorte seulement lentoure.
Vers 14h00, la voiture arrive à La Ferté-sous-Jouarre, alors que jaillissent des cris de Vive la nation ! Pétion observe quils semblent être plus désagréables à la Reine et à Madame Élisabeth quau Roi. Le maire, Reynard de lIsle, a fait prier le Roi de lui faire lhonneur de dîner dans sa maison des bords de la Marne. La famille a loccasion de faire un peu de toilette. Louis XVI invite les députés à partager son repas. Après sêtre consultés, les commissaires déclinent linvitation : Cette familiarité pourrait paraître suspecte - Comme ce nest pas détiquette, on pourrait croire que cest à loccasion de la situation malheureuse.
On se remet en route à 17h00 et, à la sortie du bourg, un député de lAssemblée, Kervelegan, sapproche, le chapeau sur la tête, en grommelant : Pour une brute comme celle-là, voilà bien du train ! ». Pétion, se penchant à la portière, essaye de le calmer. Rien ny fait : Sont-ils tous là ? Prenez garde car on parle encore de les enlever. Un grenadier ayant fait sauter son chapeau, Kervelegan le ramasse dans la poussière : Non, f
, je ne saluerai pas un roi fuyard !
Cet incident provoque de lhumeur chez la Reine. Puis la conversation reprend dans la berline : Marie-Antoinette essaye de convaincre Pétion des difficultés quéprouve le Roi. Louis XVI demande au député : Vous êtes pour une république, vous, Monsieur Pétion ? - Sire, je létais à la tribune ; ici je sens que mon opinion change.
À Meaux, il avait été prévu que la famille royale logerait dans le palais épiscopal, qui avait été celui de Bossuet, lAigle de Meaux. Son titulaire légitime, Mgr de Polignac, avait dû céder la place à un évêque constitutionnel, Mgr Thuin, et avait emporté tous ses meubles. La municipalité et les habitants se mobilisèrent pour assurer un logement décent pour la nuit aux voyageurs. Le souper fut commandé à un traiteur qui proposa un menu plus que copieux. Mais lorsque la famille royale se mit à table, à 19h00, dans une pièce envahie par la foule, rien nétait prêt. Après une heure dattente, le Roi et la Reine se contentent de prendre quelques ufs frais et se retirent dans leur chambre. Vers 22h00, Moustier réussit à semparer dune jatte de fraises et à la porter au Dauphin. La ville gronde dune sourde rumeur menaçante.
Le matin, alors quil nest pas 06h00, Marie-Antoinette fait appeler Dumas et se fait préciser litinéraire prévu pour lentrée à Paris. À 07h00, le Roi monte en voiture. Lévêque constitutionnel savance pour sexcuser de sa piètre hospitalité. Lorsque lon nest pas chez soi, lon est dispensé de sexcuser, lance le Roi dun ton sec. Le fort maigre souper de la veille avait dû paraître particulièrement inexcusable à Louis XVI , un gros mangeur.
La dernière étape va durer treize heures, toujours dans la même chaleur étouffante.
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Dernière partie du trajet de retour
Jean-Baptiste Truet, à la fois maire de Dormans et propriétaire de lAuberge du Louvre, avait été prévenu la veille au soir de larrivée du Roi. Il décida naturellement que la famille royale logerait chez lui.
Il y avait près de quatre ans quil avait marié sa fille aînée, Augustine Rosalie, à Jean Landrieux, avocat au Parlement, inspecteur des relais et secrétaire aux avis de Monsieur frère du Roi. Privé de ses charges par la révolution, le gendre sétait réfugié chez son beau-père. Dès que lancien robin connut la grande nouvelle, il dressa un plan dévasion, hardi, mais jouable. Il sagissait de donner au Roi la chambre située derrière la maison, souvrant par deux croisées sur le jardin en terrasse communiquant avec la rivière par un petit escalier. Il était probable que personne ne penserait à poster là une sentinelle. Landrieux avait amarré au bas du jardin une barque qui permettrait de traverser la Marne. Sur lautre rive, à Vincelles, les Truet possédaient un vendengeoir. Dans la journée du 23, lancien avocat y amena trois solides chevaux et une charrette couverte matelassée avec soin où la famille royale prendrait place. De là, on gagnerait La Fère-en-Tardenois où la famille Truet possédait une grande ferme hors de la ville. Après avoir relayé, on atteindrait la maison du beau-frère de Jean, dénommé Forzy, qui avait épousé une autre fille Truet : son écurie fournirait sans peine les chevaux frais.
Jean Landrieux avait calculé quen quittant Dormans à 02h00, on atteindrait Rocroi, distant de vingt-deux lieues, à 08h00. Là, on passerait la frontière
. Cela représentait une allure dun peu plus de 3 lieues à lheure, ce qui était possible puisquon ne serait pas retardé lors des relais.
Daprès le journal du Roi, il est 23h00 quand la voiture sarrête devant lAuberge du Louvre. Alors que la lie hurle sa haine dans la cour, le Roi et sa famille, une sentinelle à leur porte, se mettent à table. Barnave ayant délicatement décliné linvitation de Louis XVI, Pétion, fort marri, doit quitter la place à laquelle il sétait déjà installé.
À la fin du souper, un garçon limonadier présente des rafraîchissements : cest Landrieux.
Le Roi était assis sur un petit fauteuil de paille au milieu de la pièce, la Reine près dun lit contre lequel elle sappuyait. Le Dauphin et sa sur jouaient avec Madame de Tourzel. Landrieux sapproche de Madame Élisabeth qui, layant vu chez son frère à Sénart et à Maupertuis, le reconnaît. Il la met à mi-voix au courant de son plan et la supplie de convaincre le Roi : tout est prêt ; aucune sentinelle ne garde lescalier ; barque, charrette, chevaux et relais attendent. Le Roi refuse net. Lancien robin insiste : Il connaît assez les chemins pour les mener jusquà la frontière avant même quon soupçonna leur évasion et surtout les routes que lon aurait prises. Quant à la famille Truet, il est prévu quelle trouvera refuge à Vieux-Maisons, chez un autre beau-frère, le notaire Thévalin, qui les attend.
Rien ne fait fléchir Louis XVI : Je compte sur ma bonne ville de Paris. Je ne lai quittée que malgré moi sur de fausses insinuations. La Reine se leva brusquement, manisfestant au Roi avec la plus grande mauvaise humeur combien elle désapprouvait ce refus.
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L'arrivée à Paris
Nous sommes le samedi 25 juin 1791. La garde nationale est partie à la rencontre de la berline, accompagnée dune immense foule. La rencontre a lieu à la sortie de Claye. À 12h00, un peu avant Villeparisis, quelques figures inquiétantes commencent à se montrer.
Le choc survient alors que lon traverse la forêt de Bondy. Mathieu Dumas dit quune foule de forcenés se jette sur les gardes nationaux, qui ne parviennent pas à les repousser. La poussière devient si épaisse que lon ny voit pas à cent pas, mais on entend les cris. Ces furibonds veulent étriper les gardes du corps et sen prennent surtout à la Reine : La bougresse
. la garce
. la p
. . Marie-Antoinette soulève dans ses bras son fils qui pleure. Un cri la gifle : Elle peut bien nous montrer son enfant, on sait bien quil nest pas du gros Louis ! . Le Roi blêmit sous linsulte, sans un mot ; la Reine pleure. Certains de ces furieux parviennent à grimper sur la voiture : il y en a partout.
Peu après, une grave échaufourée oppose la garde nationale à cheval qui accompagne la voiture depuis Meaux aux grenadiers à pieds : ces derniers ont finalement gain de cause et prennent le poste dhonneur près de la portière.
Aux abords de Pantin, le cortège sordonne. La berline est suivie dun long chariot couvert de branchages où sont juchés Drouet, Guillaume et les quelques Varennois qui avaient arrêté le Roi. Le cabriolet des deux femmes de chambre ferme la marche.
À la barrière qui marque lentrée à Paris, La Fayette attend, monté sur un superbe cheval de bataille, un gros panache blanc à son chapeau. Louis XVI demande un verre de vin quil avale dun trait. Le cortège contourne la ville par les nouveaux boulevards. La voiture est précédée de huit pièces de canon, la mèche allumée, et suivie dautant.
Plus de cris. Plus dinjures. Un lourd silence oppressant alors que la marche est rythmée par le son obsédant des tambours. La garde nationale borde la chaussée, le fusil renversé, la crosse en lair. Derrière se tient le peuple, tranquille mais lil sombre, le chapeau sur la tête. Beaucoup dhommes sont armés. La voiture atteint enfin la barrière de lÉtoile et redescend les Champs-Élysées.
Marie-Antoinette paraît souffrir. Le Dauphin se tient à lune des portières, regardant le peuple. Louis XVI, quant à lui, promène sur la foule un regard hébété. Sur le siège, les trois gardes du corps sont enchaînés ; lun deux pleure. Et toujours cette poussière âcre qui envahit la berline et sincruste sur les vêtements et sur les visages.
Dès que les voitures pénètrent dans le jardin des Tuileries, on ferme le pont tournant. Le palais est noir de monde. De nombreux députés sont là, le chapeau vissé sur la tête, parmi lesquels le duc dOrléans, dont la présence fut jugée inconsidérée. Seul un député, Monsieur de Guilhermy, refuse de se couvrir malgré les menaces et lance son chapeau dans la foule en criant : Me le rapporte qui lose !
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Les gardes nationaux se répandent dans le jardin et se portent devant le perron du château : quelques marches quil faut bien gravir. La foule immonde se précipite et les gardes nationaux sont débordés. Les injures reprennent de plus belles. Les gardes du corps sont menacés. Moustier crie à la foule : Vous pouvez nous tuer, mais attendez que la famille royale soit partie.
La portière souvre. Le Roi paraît et se dirige calmement vers le château, en se dandinant à son ordinaire. Un silence méprisant laccueille. Puis viennent les enfants. Et enfin la Reine que deux députés entraînent presque en courant vers le bâtiment. Menou sest saisi du Dauphin dans le même but.
Les occupants de la berline se retrouvent peu après dans la pièce qui précède la chambre du Roi. Pétion, qui a été bousculé par un garde national, ôte la poussière de son habit. Mathieu Dumas, les vêtements en lambeaux, a perdu épée, chapeau et ceinturon. Une manche de la robe de Madame Royale est déchirée. Malden est couvert de sang et Moustier sérieusement blessé.
La Fayette va sincliner devant Louis XVI : Votre Majesté a-t-elle quelque ordre à me donner ? Avec un gros rire, le Roi répond : Il me semble que je suis plus à vos ordres que vous nêtes aux miens ! Marie-Antoinette veut faire accepter par le général les clefs des cassettes qui se trouvent dans la berline. Sur son refus, elle dépose le trousseau dans son chapeau. Gilles César proteste : Je ne les toucherai pas ! -Eh bien, je trouverai des gens moins délicats que vous ! Et elle quitte le salon. Quand, rentrée chez elle, elle enlève son chapeau, ses cheveux, jusqualors blond cendré, sont devenus tout blancs.
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Le Dauphin
À Varennes, il aura dormi toute la nuit. Mais dès le départ du lendemain matin, le cauchemar recommence : il revit les scènes du 6 octobre lors de l'abandon du château de Versailles pour celui des Tuileries et celles davril lors du départ manqué pour Saint-Cloud.
Durant tout cet interminable voyage, il va passer sans transition de moments de frayeur intense, de détresse, de calme relatif et même de gaîté : il est encore très jeune puisquil na fêté son sixième printemps que le 6 mars précédent.
Si le voyage aller avait été pour lui une heureuse escapade dont il navait pas lhabitude, il est inconcevable que le retour nait pas été pour lui dans son ensemble un abominable cauchemar. Dautant quen outre lhoraire bien réglé de ses journées sest trouvé totalement bouleversé et quà cet âge un enfant a besoin de calme et de régularité.
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Source bibliographique : Le rendez-vous de Varennes ou les occasions manquées par André Castelot , Librairie académique Perrin, Paris, 1971 dont proviennent toutes les illustrations.
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