Le Comte de Chambord et le cœur de Pelletan


Il n'y eut, après la mort en 1829 du Docteur Pelletan, aucune tentative de son fils pour proposer à la famille royale le cœur prélevé par son père . Par contre, à la mort de Philippe Gabriel Pelletan, en 1879, son exécuteur testamentaire, Me Edouard Barre se mit en rapport avec Barrande, administrateur des biens du Comte de Chambord, afin de lui restituer le cœur dit " de Louis XVII " D'après une lettre de Maurice Pascal, Chambord fut étonné de savoir le cœur sauvé de la destruction. Et il demanda une enquête.

Le dossier de Me Barre , envoyé le 5 juin 1883, arriva à Froshdorf deux mois avant la mort du Comte de Chambord. Il comprenait, d'après la lettre de réception de Barrande, le Mémoire du Docteur Pelletan et une notice biographique sur les Pelletan père et fils.
Il ne s'agit donc pas à proprement parler de " pièces constatant l'authenticité " du cœur, mais plutôt d'un rappel de l'historique de la question et d'une " enquête de moralité " sur la famille des détenteurs.
Au reste, le comte de Chambord ne put guère prendre connaissance de ces deux documents. Très malade depuis le 16 juin, il sortit pour la dernière fois en voiture le 27 juin, reçut l'extrême onction le 5 juillet, puis le 21 août, et mourut le vendredi 24 août 1883.
Il est donc exclu que le comte de Chambord " ait reçu à cette époque ce cœur (de Pelletan) après avoir fait examiner les pièces et documents qui en constatent l'authenticité " (Lettre du père Bole de 1885). D'ailleurs, le " cœur Pelletan ", à cette époque était toujours en France, aux mains des héritiers du médecin. Il y restera jusqu'en 1895. Voici les listes des documents constatant l'authenticité du cœur : elles datent de 1817.

Une première liste, établie par Chanoine-Davranches d'après la déposition de Pelletan de mars 1817 devant Etienne Denis Pasquier, garde des Sceaux, comprend :

l° L'arrêté de la Convention (en fait du Comité de Sûreté Générale) du 17 prairial an 1 par lequel ledit sieur Pelletan a été nommé pour donner des soins à S.M. Louis XVII.
2° La lettre du même jour écrite par le secrétaire général de ce Comité et portant envoi de l'arrêté cy-dessus au sieur Pelletan.
3° La lettre du même Comité en date du 20 prairial, portant autorisation de placer une garde malade auprès du roi.
4° La lettre par laquelle le secrétaire général a fait, le même jour, envoi de la précédente pièce au sieur Pelletan.
5° L'ordre donné par le Comité de Sûreté Générale le même jour 20 prairial, pour autoriser l'ouverture du corps.
6° Le procès-verbal dressé le lendemain 21 prairial, à l'effet de constater cette ouverture et signé Dumangin, Ph-J Pelletan, Lassus et H. Jean Roy.

La liste du Ministère de l'Intérieur (citée par Ph. Delorme p. 161 ) et datée de septembre 1817 comprend deux pièces supplémentaires :
l° Procès-verbal de l'audition des témoins d'où il résulte que le cœur conservé chez le sieur Pelletan est effectivement le cœur de S.M. Louis XVII.
2° Certificat du sieur Pelletan où il reconnaît avoir reçu de la dame veuve Tillos le cœur par lui conservé de ce jeune prince.
Au total, huit pièces qui sont bien les "certificats d'authenticité "du cœur prélevé par Pelletan. Ces pièces ont été répertoriées exactement à la même époque (septembre 1817) où était constaté à la mairie du Vème arrondissement de Paris, le dépôt du cœur du premier Dauphin, Louis Joseph. Depuis, les documents originaux ont bel et bien disparu.

Faut-il en conclure que les certificats constatant l'authenticité de l'un ont servi pour l'autre ? La lettre du père Bole le laisse supposer. La recherche continue sur cet incroyable imbroglio de l'histoire de deux coeurs .

Laure de La Chapelle
rappelle -pour ceux qui ne le sauraient pas encore -qu'elle n'est pas, à priori ,plus naundorffiste qu' orléaniste, légitimiste ou bonapartiste. Elle appartient simplement à un Cercle d'Etudes sur Louis XVII -qui ne privilégie ni solution historique, ni prétendants- où elle tente de défendre à la fois la rigueur scientifique et la probité intellectuelle.