Le peintre GREUZE

 

BIOGRAPHIE

GREUZE (Jean-Baptiste), peintre et graveur né à Tournus le 21 août 1725, mort à Paris le 21 mars 1805 (Ec. Fr.).

On peut aimer diversement Greuze, trouver sa technique intéressante ou insignifiante, le sentiment de ses tableaux profondément poignant ou mélodramatiquement outré, l'expression de ses têtes de jeunes filles pleine de grâce naïve, ou simplement mièvre et affectée, Greuze est sans conteste une des personnalités les plus marquantes de l'Ecole Française du XVIIIème siècle. Il possède l'indiscutable qualité de ne procéder de personne ; il a créé son genre. Dès sa plus tendre enfance, il montra un goût invincible pour le dessin. Son père, entrepreneur et architecte, le destinait au commerce ; mais ses menaces, ses prières ne purent triompher de la vocation de Jean-Baptiste. L'intervention du peintre lyonnais Grandon, père de Mme Gréty, qui offrit de prendre le jeune garçon chez lui et de l'instruire gratuitement, fit triompher la cause de Greuze. Son ardeur au travail lui permit bientôt d'exécuter des portrairts. Grandon étant venu à Paris, son élève l'accompagna et entra à l'Ecole de l'Académie Royale. Mais il refusa de se plier à la conception des professeurs ; il eut même des démêlés avec Natoire. Greuze affirma nettement sa personnalité dans un premier tableau : le Père de famille expliquant la Bible à ses enfants, qu'il exposa au Salon de 1755, où il fut très remarqué. L'artiste avait été introduit par son professeur dans le monde des encyclopédistes et des artistes ; Greuze s'inspirait de la conception dramatique que Diderot, La Chaussée et Sedaine devaient plus tard mettre au théâtre. Le succès de Greuze fut si grand que certaines gens lui contestèrent la paternité de son ouvrage, affirmant qu'un jeune artiste de son âge n'en pouvait être l'auteur. D'autres ouvrages du même genre convainquirent les plus incrédules et, en 1755, sur la proposition de Pigalle, Greuze fut agréé par l'Académie Royale avec son tableau : L'Aveugle trompé. L'abbé Gouguenot lui offrit de l'emmener en Italie. Greuze y passa un an et ce séjour nuisit plutôt qu'il ne servit à son talent. Il lui fallut de grands efforts pour redevenir lui-même. Son mariage avec Anne-Gabrielle Babuty, fille du libraire Babuty, célébré le 3 février 1759, contribua à cette transformation : il trouvait dans sa femme le type féminin qu'il rêvait. Il renoua avec le succès, en 1761, en exposant L'accordée de village, puis La paix en ménage, et Le paralytique soigné par ses enfants. C'est l'époque où Diderot note dans ses « Salons » sa préférence pour Greuze aux dépens de Boucher. Greuze ne se pressait pas de fournir à l'Académie son tableau de réception : il exposait des tableaux de genre, des portraits, des dessins. Sans bénéficier des commandes officielles, il gagnait très largement sa vie ; ses portraits lui étaient payés vingt et vingt-cinq louis d'or, ses dessins s'enlevaient à deux cents francs ; ses tableaux de genre importants trouvaient facilement preneur à cinq et six mille livres. Ce ne fut qu'en 1769, après de nombreux avertissements et la menace de ne plus admettre ses envois aux Expositions que Greuze se décida à obéir aux réglements académiques. Il peignit : L'Empereur Sévère reproche à son fils Caracalla d'avoir voulu l'assassiner dans les défilés d'Ecosse. Cette œuvre est indiscutablement mauvaise ; les envieux eurent beau jeu et Greuze ne fut reçu académicien que comme peintre de genre. L'artiste considéra le fait comme un affront et jusqu'à la Révolution, n'exposa plus qu'au Salon de la Correspondance. Greuze gagna aussi des sommes considérables par la gravure de ses tableaux, notamment celles exécutées par Flipart, Gaillard, Levasseur et Massard, mais sa femme, devenue une véritable mégère (on peut voir dans un mémoire rédigé par l'artiste en vue d'une introduction de demande en divorce, lequel fut prononcé le 4 août 1793, les multiples griefs de l'artiste, curieuse pièce publiée dans les Archives de l'art français), dissipa une part de l'avoir conjugal. Greuze avait placé sa fortune en rentes sur l'Hôtel de Ville ; la Révolution le ruina complètement. Et puis le goût avait changé : Vien et David triomphaient. Le vieil artiste chercha à se plier aux procédés de la nouvelle Ecole, mais tout ce qu'il put faire fut d'assourdir sa couleur et d'alourdir sa facture. On le retrouve au Salon de 1800, de 1801, de 1804. En 1808, on exposa après sa mort Sainte Marie l'Egyptienne. Greuze, à près de quatre-vingts ans, probablement aidé par sa fille, peignait encore des têtes d'expression qui avaient fait son succès autrefois, et il faut croire qu'il avait encore des amateurs, car le nombre en est considérable. Greuze a été gravé par tous les artistes de son temps. On cite aussi de lui un roman : Bazile et Thibaut ou les deux éducations que M. de Chenevières a publié dans l'Annuaire des Artistes de 1861.

GREUZE ( Anna-Geneviève ), peintre de genre et de portrait, née à Paris le 16 avril 1762, morte le 6 novembre 1842 ( Ec. Fr. ).

Fille et élève de Jean-Baptiste Greuze. Vécut près de son père jusqu'à la mort de celui-ci et fit preuve pour lui d'un admirable dévouement. Il est probable que beaucoup de ses ouvrages sont vendus comme étant de Jean-Baptiste Greuze.

extrait de E.Bénézit

 

Dans la liste des tableaux de Greuze détenus dans les musées, on ne trouve guère que le portrait dénommé « Prince Stroganof » du musée de Besançon, qui concerne notre sujet.

Ce tableau est l'objet de la controverse ci-dessous.

Portrait de Louis XVII, par Greuze

Premiers mois de 1795. - Toile appartenant à M. François Laurentie (tome 1 de F. LAURENTIE, Paris 1913, planche n° 128).

Peinture à l'huile sur toile (466 mm x 368 mm). L'enfant a les yeux d'un bleu vif, les cheveux blonds, chemise blanc crème ; bretelles gris brunâtre.

Le portrait où l'enflure du visage, le teint blafard, l'attitude affaissée, trahissaient un état de maladie avancée, daté, selon toute vraisemblance, de 1795. Il ne peut avoir été exécuté que d'après une impression directe.

Provient de Madame la Duchesse de Tourzel qui l'avait donné à son secrétaire, M. Reydet. La veuve de celui-ci l'a légué à Mme Farin, mère de M. J. Farin, de qui il vient. Appartient à M. François Laurentie.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

X. de ROCHE, Louis XVII, Editions de Paris 1986, p. 497.

Léon CREISSELS, Louis XVII et les faux dauphins, Albin Michel 1936, couv.

F. LAURENTIE, Louis XVII, Emile-Paul Fréres Editeurs 1913, planche n° 128.

F. LAURENTIE, Louis XVII, id., Supplément p. 17.

Federico ZAPIOLA, Louis XVII murio en Buenos Aires ?

Editional cuidado de Enrique D.Bassi 1991, pl. ap. p. 48.

Myriam et Gaston de BÉARN, Louis XVII ou la couronne du silence , Editions Mondiales, Paris 1968, couv.

LOUIS XVII - F. LAURENTIE, Supplément, p. 26.

GREUZE essaie une dernière fois d'idéaliser cette loque humaine que Laurent a décrassée et revêtue de linge blanc. Mais il devra le peindre enflé, jaune, dos courbé, poitrine rentrée, yeux injectés de sang, assis semble-t-il sur son lit, avec une chemise et des bretelles, manquant de force pour se lever. Comme on n'a jamais retrouvé le profil tracé par Belanger le 31 mai 1795, le portrait de Greuze, où l'on sent une impression directe, et qui a appartenu à Mme de Tourzel, est le dernier portrait certain de Louis XVII. Le fils de Louis XVI s'y reconnaît encore au nez fin et rectiligne, au menton fort et à fossette, aux sourcils légers, aux yeux bleus et écartés, aux cheveux blonds et soyeux. Mais, dit M. G. Lenotre, ce « teint blafard, ce nez aminci, ces yeux bouffis et touchants, c'est déjà presque le masque d'un mort ».

Portrait, face, par GREUZE ; I'enfant est en chemise, avec des bretelles ; légère bouffissure, pommettes saillantes, dos voûté, creux aux épaules, sourcils minces, menton à fossette, yeux bleus injectés de sang, beaux cheveux blonds ayant toute leur longueur sur le front et séparés par une raie à gauche; air langoureux et résigné (11° I28 et S., en-tête de la p. I7,2° figure) ; Extrait de la Classification de F. Laurentie.

G. LENOTRE. De Belzébuth à Louis XVII. Grasset 1950 p. 119-120.

« Une peinture de GREUZE nous le montre tel qu'il était quelques semaines plus tard [après la visite de Barras] ; Laurent, le créole, son nouveau gardien, l'a soigneusement peigné, lavé et revêtu de linge blanc ; ce portrait qui fut peint pour Mme de Tourzel et appartient aujourd'hui à M. Laurentie, est plus impressionnant peut-être que tous les autres : le teint blafard, le nez aminci, les joues bouffies et tombantes -car l'enfant « tournait au gras » ; c'est déjà presque le masque d'un mort ; c'est la dernière image, en effet, qu'on ait du fils de Marie-Antoinette, car le dessin pris au Temple par Bellanger huit jours avant le décès, n'a jamais été retrouvé. »

Le prince Gaston de Béarn dans une lettre du 19 juin 1969 au bibliothécaire de la Ville de Lyon écrivait :

...ce portrait faisait partie de la collection de l'empereur Napoléon III aux Tuileries, puis de celle de l'impératrice Eugénie à Farnborough (Angleterre). Acquis par la suite par WILDENSTEIN & Cie, New York, en 1927 ; Acquis le 7 janvier 1939 par la Galerie HEARST, dans vente aux enchères de Wildenstein à New York.

Donné par M. Hearst, en juin 1948, au " Los Angeles County Muséum " de Los Angeles (Californie, USA), où il est actuellement exposé.

 

         
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Portrait du Dauphin (Prince royal) par Greuze

Début de 1792. - Toile appartenant à M. le vicomte de Reiset (tome 1 de F. LAURENTIE, planche n°52). Collection du château de Vic-sur-Aisne [ en 1913 ].

Peinture à l'huile sur toile (465 mm x 945 mm). Yeux bleus gris, cheveux châtain clair à reflets blond roux. Vêtement (habit?) vert à revers jaunes tirant sur le rose, cravate de dentelle blanche, cordon bleu - cette toile semble avoir noirci.

Epoque : début de 1792.

M. J.-C. PROST, dans Deux œuvres de Greuze, un volume in-8°, Paris 1904, p.13, estime que ce portrait est celui du premier Dauphin. Mais ses arguments ne nous ont pas paru convaincants. Il est, de même, le seul à reconnaître le portrait du duc de Normandie dans celui de Paul de Strogonoff enfant, qui se trouve au musée de Besançon.

- Portrait, face, par GREUZE, flot de dentelles au cou (n° 52 );

Malgré la date estimée, on a pu y voir un tableau peint en souvenir du 1er Dauphin.

J.-C. Allfred Prost dans Deux œuvres de Greuze, Firmin Didot, Paris 1904, écrit que « (1) Une tradition de famille, devant laquelle je m'incline, estime que ce portrait serait celui de Louis XVII.

Jusqu'à ce qu`il m'en ait été fourni des preuves plus convaincantes, je crois néanmoins pouvoir écrire, en toute conscience, qu' il est celui du premier Dauphin auquel il me paraît d'abord ressembler plus particulièrement ; ensuite, parce que je ne vois pas comment Greuze aurait pu, à peu près à la même époque, peindre deux fois de suite ce même prince, étant données les circonstances dans Iesquelles se trouvaient alors et la Famille Royale et l'artiste ; enfin, parce que je ne lui retrouve pas tout l'ensemble de cette physionomie qui m'a personnellement frappé dans le portrait du Musée de Besançon ».

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

X. de ROCHE, Louis XVII, Editions de Paris 1986, p. 471.

F. LAURENTIE, Louis XVII, Emile-Paul Frères Editeurs, Paris 1913, planche n° 52.

Portrait du Dauphin (Prince royal)

Début de 1792. - Miniature appartenant à M. François Laurentie (tome 1 de F. LAURENTIE, planche n° 52bis).

Portrait-miniature, face, même type.

Miniature ovale sur velin (hauteur : 96 mm, largeur : 75 mm). Traits et teintes semblables à ceux du portrait précédent [...], sauf que le vêtement est de velours cramoisi. On sait d'ailleurs que Greuze acceptait, sur le prix convenu pour ses portraits, de les faire exécuter également en miniature (J.-C. Alfred PROST, ouv. cit. p. 46) .

Cette reproduction n'est donnée qu'incidemment, à cause de sa similitude avec le n° 52. Bien que lui appartenant, F. Laurentie ne prétend pas que Greuze soit l'auteur de cette miniature.

Louis-Charles, Dauphin d'après Greuze

en frontispice de l'ouvrage de Gustave Bord, Autour du Temple (1792-1795), Etudes sur la question Louis XVII, tome II, Emile-Paul Editeurs 1912.

Aussi dans X. de Roche, Louis XVII, Editions de Paris 1986, p. 463.

Portrait de Paul Stroganov

Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon.

Dans son ouvrage déjà cité, J.-C. Alfred PROST, écrit :

« Ma surprise se changea en profonde stupéfaction lorsque, consultant le Catalogue de ce Musée [de Besançon], dû à la plume de feu Auguste Castan, correspondant de l'Institut (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), je lus (page 100, édition de 1886), que le personnage représenté était non pas le Dauphin susnommé, mais Paul de Strogonov, enfant ! .....

Ce personnage, vu de trois quarts à gauche, paraît âgé de cinq à six ans. Il est nu-tête. Les cheveux d'un blond roux, légèrement accentué, ont été coupés sur le front, mais tombent en boucles abondantes, négligemment ondulées sur le cou. Il est vêtu d'un petit costume d'étoffe commune, qui semble être de la toile blanche, de coupe peu soignée, à la mode de 1790, avec collet rabattu et plissé.

Je serais porté à croire que cette peinture est plutôt une étude très poussée qu'un portrait proprement dit ; que la vue du Royal Enfant, sur lequel la France et le monde entier avaient les yeux fixés à cette époque, aurait été prise : soit lorsque le Dauphin se livrait avec ardeur à un de ses jeux favoris, soit lorsque de fortes préoccupations détournaient momentanément l'attention des soins toujours donnés à sa tenue. On voit facilement que toute la pensée de l'artiste s'est portée sur la beauté du visage, l'expression du regard, Ie charme de la physionomie ; que, pour atteindre ce résultat, peut-être même parce que le temps lui a manqué, Greuze a forcé sa note habituelle, en négligeant davantage encore la partie de son tableau ayant trait au vêtement de l'enfant sauf à se montrer minutieux, comme il le fut antérieurement, pour cette même partie de son œuvre, quand il voulut réellement peindre Monseigneur le premier Dauphin, dont le ravissant portrait fait aujourd'hui partie de la collection de M. le vicomte de Reiset (Une tradition de famille, devant laquelle je m'incline, estime que ce portrait serait celui de Louis XVII).

Jusqu'à ce qu`il m'en ait été fourni des preuves plus convaincantes, je crois néanmoins pouvoir écrire, en toute conscience, qu' il est celui du premier Dauphin auquel il me paraît d'abord ressembler plus particulièrement ; ensuite, parce que je ne vois pas comment Greuze aurait pu, à peu près à la même époque, peindre deux fois de suite ce même prince, étant données les circonstances dans Iesqueiles se trouvaient alors et la Famille Royale et l'artiste ; enfin, parce que je ne lui retrouve pas tout l'ensemble de cette physionomie qui m' a personnellement frappé dans le portrait du Musée de Besançon.

Malgré son défaut, le Greuze du Musée de Besançon n'en reste pas moins très appréciable à beaucoup de points de vue. La tête, remarquablement belle, montre de grands yeux bleus, fixes, bien ouverts, fort expressifs ; le nez a une tendance à se busquer ; les lèvres sont rosées ; le menton, petit ; le visage, fortement joufflu ; le teint, d'une admirable fraîcheur, indique un enfant parfaitement sain, turbulent, d'un tempérament robuste et vigoureux, comme on sait que le Dauphin l'était encore à cette époque.

Ce portrait, actuellement dans un cadre carré, avait été fait pour être placé dans un cadre ovale, de sorte qu'on aperçoit le bras droit, seulement à la hauteur du coude, et le gauche à mi-longueur »

Nous avons déjà vu que François Laurentie s'oppose aussi bien à l'identification du n° 52 avec le premier dauphin qu'à l'identification de Paul Stroganov avec le second dauphin, futur Louis XVII. La documentaliste du Musée de Besançon qualifie la peinture de J- B. GREUZE, de " Portrait de Paul Stroganov, anciennement considéré comme un portrait de Louis XVII ". Interrogée sur le fait de savoir si l'enfant du tableau présentait un teint aussi brun que sur la reproduction, elle a bien voulu nous répondre ce qui suit :" Je viens d'examiner la peinture : l'enfant a des yeux gris, assez clairs - on pourrait même y voir du " gris-bleu " ; ses cheveux sont châtain plutôt clair avec des reflets presque blonds ".

NDLR : Après comparaison de ce tableau avec le Portrait de Paul Stroganff à l'âge de six ans, par Jean-Baptiste GREUZE, 1778, nos derniers doutes s'évanouissent et nous rejoignons complètement la documentaliste du Musée de Besançon, il s'agit bien du même enfant plus jeune. Le visage présente les mêmes traits quoique plus joufflu, la couleur des cheveux est la même et le vêtement, une chemise blanche à volants est identique . Deux ans pourraient séparer les deux portraits. C'est cohérent puisque le prince Alexandre Stroganoff a vécu en France de 1771 à 1778. Nous laissons néanmoins le portrait en ligne puisqu'il fait désormais partie de l'histoire de l'iconographie du Dauphin futur Louis XVII.

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