A PROPOS DE DAVID

Ulysse Moussali écrit que David était présent à l'interrogatoire du 6 octobre 1793 et qu'il a apposé deux fois sa signature sur le procès-verbal.

Cette affirmation est fausse. Il confond la déposition de l'enfant du 6 octobre 1793 en présence de Hébert mais pas de David, et la double confrontation du 7 octobre 1793, contre Madame Royale puis contre Madame Elisabeth, qui se déroula en présence de David mais sans Hébert. La double signature des témoins mentionnée par l'auteur se trouve en réalité sur le procès-verbal du 7 octobre.

On peut facilement en déduire que l'auteur était davantage critique d'art que véritable historien. Néanmoins, tel qu'il est, ce texte fournit une base de discussion intéressante.

Donc, récapitulons :

1 - La déposition de l'enfant est du 6 octobre : Hébert était présent, mais pas David.

2 - La double confrontation est du 7 octobre : David était présent, mais pas Hébert.

La supposition qui est faite pour justifier la présence regrettable de David ce jour-là paraît plausible. En tout état de cause, qu'il en ait parlé ou non par la suite, sa présence ne saurait être niée car sa signature figure, nette et très lisible, au bas de chacune des deux confrontations. Certes, il est toujours gênant de voir cet artiste de talent fourvoyé dans une aventure aussi dégradante, et on comprend les efforts de certains pour l'en exonérer. Mais, sans aucun doute, il était présent.

3 - La signature de l'enfant est la même :

- sur la déposition du 6 octobre,

- les deux confrontations du 7 octobre et,

- sur la déposition du 26 octobre (fac-simile dans le Louis XVII de Xavier de Roche, p. 426), ce qui est fondamental, mais jamais évoqué. Or, le 26 octobre, il n'y avait aucune raison de violenter, de saoûler ou de droguer l'enfant. Ce qui prouve a contrario qu'il était dans son état normal les 6 et 7 octobre.

On remarque (voir ci-contre) que ces quatre signatures sont alignées ce qui exclut toute cosommation d'alcool ou de drogue par l'enfant.

4 - Ces signatures révèlent des différences fondamentales dans le tracé de plusieurs lettres et cette anomalie ne peut être attribuée à un enfant qui écrivait à la perfection, par réflexe, car son apprentissage de l'écriture était encore tout frais.

Le caractère hésitant du tracé, de même que la position insolite de certaines lettres notamment le p, révèlent l'illetrisme du signataire et vraisemblablement la connaissance de ce seul nom. Il faut noter en outre que le Dauphin écrivait d'une écriture penchée. L'enfant qui trace ces quatre signatures écrit droit : ce n'est pas la même écriture.

5 - Les minutes des confrontations montrent que l'enfant était totalement lucide et dans un état parfaitement normal. Il intervenait librement et à propos en prenant même un malin plaisir à contredire les femmes qu'il avait en face de lui et ce trait de caractère, qui n'appartient pas à Louis XVII, prouve que nulle contrainte n'était exercée sur l'enfant.C'est aussi le réflexe d'un enfant normal, chez un enfant assis dont les pieds ne touchent pas le sol, de balancer les jambes tel que décrit.

6 - Un enfant de 8 ans saoul ou drogué aurait été physiquement incapable d'assister, lucide, à trois heures de confrontation et encore moins de tenir une plume.

La cause est entendue : l'enfant qui a subi dépositions et confrontations n'était pas Louis XVII .

C'est la clef qui ouvre le mystère du Temple.

Mais pour tous ceux qui donnent la préférence à une autre solution, quelle qu'elle soit et quel que soit leur camp, il est impératif d'absoudre le fils de Louis XVI de cette abominable déposition et des confrontations qui ont suivi : d'où la nécessité de prétendre qu'il était saoul ou drogué, voire les deux. On cite à ce sujet une phrase prêtée à Madame Royale : A la fin il commençait à se désennivrer. Malheureusement, cette phrase ne se trouve pas dans les mémoires de Marie-Thérèse Charlotte de France, le seul texte de sa main où elle pourrait se trouver.

Qui plus est, la simple lecture des minutes des confrontations prouve à elle seule que l'enfant qui les a vécues était parfaitement lucide. Il suit parfaitement le déroulement de la conversation et intervient à plusieurs reprises de son propre chef, sans y être invité, et chaque fois pour contredire la femme qu'il a en face de lui. On a même ses mimiques en fin de confrontation avec Madame Royale : Il dit en la regardant…, et il oblige ainsi Marie-Thérèse à admettre qu'elle connaissait l'architecte Renard, ce qu'elle venait justement de nier.

Comment cet enfant pourrait-il être saoul, drogué ou même violenté ?

Reste une objection majeure provenant de Marie-Antoinette elle-même qui semble accréditer par son testament la présence de Louis-Charles au Temple à cette époque.

Ce sentiment provient d'une lecture superficielle : en réalité, le testament de la Reine ne prouve nullement la présence de son fils. En effet, on remarque, dans ce document émouvant, qu'elle dit mon fils quand elle parle des promesses que son père a exigées de lui parce que, dans ce cas, elle est certaine qu'il s'agit bien du Dauphin. Mais quand elle aborde la question de la déposition, elle n'emploie plus que cet enfant .

S'agit-il du même ? Rien ne le prouve. La Reine parle de pardon : pourquoi ne l'adresse-t-elle pas nommément à son fils, alors qu'il est la personne au monde qui en aurait le plus besoin si la déposition était vraiment de son fait ?

Et par la suite, elle ne le désigne plus que par il. Une mère peut-elle être plus évasive ?

Comment aussi parle-t-elle d'envoyer un courrier à Madame Élisabeth et un courrier à Madame Royale, sans être sûre de la réception et sans même envisager de s'adresser à son fils. C'est bien, au contraire, la preuve qu'elle savait parfaitement qu'il n'était plus au Temple, sans pour autant le compromettre.

Enfin, ajoutons que :

 1 - La Reine, mieux que quiconque, sait que son fils est « le Roi ». D'après l'étiquette (même si elle n'est plus officiellement en usage) et protocolairement, c'est au Roi qu'elle doit s'adresser en premier. La Reine n'est pas femme à y manquer, elle qui s'est inclinée devant lui et l'a salué de ce titre le matin même où la tête de Louis XVI est tombée. Or, elle passe outre, ce qui tend à prouver qu'elle ignore où le joindre c'est-à-dire qu'elle sait qu'il n'est plus au Temple.

2 - Hébert a emporté avec lui la déposition de l'enfant le 6 octobre et l'a lue au tribunal le 14 octobre. Les minutes du procès de la Reine ne révèlent aucune mention de la double confrontation du 7 octobre. La Reine ignore donc cet événement. C'est pourquoi Marie-Antoinette parle de l'outrage subi par Madame Élisabeth, mais ne dit mot des réactions possibles de sa fille qui, autant qu'elle sache, ignore ces accusations. En effet, dans sa déposition, l'enfant met en cause la tante, mais pas la sœur (ce n'est d'ailleurs certainement pas un enfant de 8 ans qui a prononcé le mot copulation ).

Or Fouquier-Tinville n'a pas demandé cette confrontation qui n'a donc pas servi contre la Reine. Elle n'est pas davantage dirigée contre Madame Élisabeth car, le cas échéant, il n'aurait pas été nécessaire d'obtenir, moins de trois semaines plus tard, la nouvelle déposition du 26 octobre qui servira à charge contre elle. Elle n'a pas davantage été utilisée contre Madame Royale qui n'est jamais passée en jugement. La double confrontation n'a donc aucune justification judiciaire.

Elle fut donc imaginée dans un autre but. Lequel? Et qui en fut le maître d'œuvre?

A l'époque, le maître absolu du Temple, c'est Chaumette. Ce génie du mal a vite compris que l'assassinat du Roi ne suffisait pas à éradiquer la royauté. Le vrai germe tueur qu'il fallait introduire dans le sang de la vieille monarchie était le doute quant à la survivance de Louis XVII parce que, dès lors, les successeurs désignés par la loi salique, n'étant plus sûrs de leur légitimité, se condamnaient à l'insignifiance et à la disparition. C'est donc lui qui organisa cette mascarade dès le lendemain de la première déposition, afin de faire avaliser un substitué par la propre famille royale. Qui, après cela, oserait prétendre que cet enfant n'était pas le fils de Louis XVI ? Et alors, tout devient clair.

Simple machiavélisme ou démence, la supercherie germée dans les cerveaux révolutionnaires a atteint son but puisque personne n'a contesté l'identité de l'acteur principal, par candeur ou par intérêt.

C'est ce même procédé qui avait déjà été employé pour tromper sur l'identité du même enfant en le faisant visiter par une délégation du Comité de Sûreté Générale le 7 juillet 1793, cette même délégation qui autorisa enfin les promenades de l'enfant. Tous les chercheurs répètent, les uns après les autres, que Drouet en était, faisant mine de le considérer comme une garantie de l'identité de l'enfant. Pourtant, il suffit de relire avec attention le récit de l'équipée de Varennes pour constater que cet individu n'a jamais approché le Dauphin pendant ces sinistres journées. C'est donc un pur mensonge.

3 - La Reine a écrit qu'elle a appris par le plaidoyer que sa fille était séparée de Madame Élisabeth. Ceci ne prouve pas qu'elle avait connaissance de la double confrontation qui, rappelons-le, n'a reçu aucune exploitation judiciaire alors même que l'enfant avait obligé les deux femmes à avouer certains faits. Si même elle avait eu connaissance des paroles de sa fille, elle ne pouvait en inférer que les deux femmes étaient séparées. C'est l'évidence que les enquêteurs devaient interroger séparément les deux femmes s'ils voulaient les mettre en difficulté. Cette mention de la Reine ne peut donc provenir que d'une fausse interprétation de quelques mots prononcés au cours du plaidoyer. D'ailleurs, si les deux femmes avaient été réellement séparées les avocats de Marie-Antoinette se seraient empressés de l'en informer.

En conclusion peut-on dresser le portrait robot de l'enfant du Temple qui dut soutenir les séances des 6, 7 et 26 octobre ?

a) Physiquement, il ressemblait beaucoup au petit Roi. Marie-Thérèse écrit dans son Mémoire qu'il n'avait pas pris de taille mais beaucoup engraissé . Ce qui, en trois mois de temps, serait invraisemblable s'il s'agissait du même enfant.

b) Il était aussi intelligent que Louis XVII.

c) Il est probable, qu'entre le 3 juillet (date de l'enlèvement de Louis-Charles à sa mère) et le 6 octobre dont nous venons de parler, bien chaperonné surtout par Hébert et Chaumette, il a eu le temps de connaître le personnel du Temple.

d) Il n'aimait pas la famille royale et particulièrement les princesses. Cela transparait de son attitude à l'égard de Marie-Thérèse qu'il considère d'un regard mauvais en la mettant en difficulté à propos de l'architecte Renard.

e) Il connaissait le parler et les chants révolutionnaires. Il n'eut pas à les apprendre pour les brailler dès son arrivée au Temple. Certains des gardiens en étaient choqués... mais tout de même avec circonspection.

L'enfant fut donc choisi et préparé avec soin pour tenir le rôle qu'on lui destinait et qu'il tint brillament. Sans doute, en fut-il fier sur le moment, mais il ne pouvait pas échapper au pressentiment de son destin. C'est ce que semble confirmer l'historien Lenotre qui rapporte que l'enfant, intelligent et lucide, aurait dit à Simon : Emmène-moi, sans quoi ils me feront ce qu'ils ont fait à mon père .

Quand le petit Roi fût-il sorti du Temple ?

Les thèses sont multiples mais l'une d'elle l'emporte par sa logique, sa simplicité et sa cohérence. Elle sera bientôt exposée ici-même.

Marie-Antoinette mère
L'enlèvement de l'enfant à sa famille le 3 juillet 1793
La Reine au retour de Varennes
La Reine sur le chemin de l'échafaud - Dessin de David

 
Signatures des témoins au bas de la déposition du 6 octobre 1793
Signatures des témoins au bas de la première des deux confrontations du 7 octobre 1793, contre Madame Royale
Signatures des témoins au bas de la seconde confrontation du 7 octobre 1793, contre Madame Elisabeth
Signatures des témoins au bas de la déposition du 26 octobre 1793
Les quatre signatures de l'enfant du Temple
Devoir du Dauphin fait au Temple à l'automne 1792 et corrigé de la main du Roi
Extrait de l'interrogatoire de Madame Royale au cours de la première des deux confrontations du 7 octobre 1793
Lettre de Marie-Antoinete à Mme Elisabeth de France dite Testament de la Reine
extrait du "Mémoire" de Marie-Thérèse Charlotte de France p. 20

  

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